mardi 23 juin 2020

La carte celeste de Dun Huang


La carte céleste de Dunhuang est la plus ancienne carte d’étoiles existante.

D’autres cartes ont peut-être été produites par des astronomes anciens comme le grec Ptolémée (+83-161) ou le chinois Chen Zhuo (+220-280) mais aucune trace ne subsiste de ces tentatives. Les cartes du ciel étaient courantes depuis au moins 2 000 ans. La plupart des cartes anciennes ont disparu à l’exception de la carte retrouvée dans les grottes de Mogao,  sur l'ancienne Route de la Soie, près de la ville de Dun Huang, dans le désert de Gobi,  une oasis du désert dans la province de Gansu.


Excavé entre les quatrième et quatorzième siècles, les grottes étaient des sanctuaires et des temples bouddhistes où les voyageurs priaient pour le succès de leurs voyages.

Ce document avait été emmuré vers l’an 1000 dans le monastère bouddhique des grottes de Mogao . Le monastère avait été créé vers l’an 366 puis  abandonné vers l’an 1000, lors des invasions venues de l’ouest, mais il garde toute sa splendeur troglodytique : sur environ 2 km de long, près de 500 niches sont creusées dans la falaise, chacune richement décorée de peintures et de sculptures bouddhiques. Ces “grottes de Mogao”, aussi baptisées “ le monastère des Mille Bouddhas”, sont déjà très célèbres quand survient une découverte inattendue.  
Á la fin du XIXe siècle, en heurtant la fausse cloison de la cave 16, le gardien des lieux, le moine Wang Yuan Lu découvre une cellule, scellée depuis environ mille ans. À l’intérieur, il découvrit une montagne de manuscrits entassés (40 000 environ), en toutes langues :chinois, tibétain, sanscrit, ouighour. 
Cette formidable bibliothèque nous livrait ainsi une collection intacte de manuscrits datant de plus de mille ans, avec, parmi eux, le plus ancien livre imprimé connu au monde, un Sutra du diamant daté du 11 mai 868.
Ce lot contenait un document astronomique exceptionnel, la plus ancienne carte d’étoiles connue au monde.
En 1907, Vingt-cinq caisses remplies de document, Un bon tiers fut acquis par l’explorateur Aurel Stein et aboutit au British Museum de Londres. Il n’est pas astronome. Il ne prête donc pas une attention particulière à un rouleau, d’environ quatre mètres de long et seulement vingt-cinq centimètres de large,  sur lequel est soigneusement tracé à la main en plusieurs couleurs sur une seule face d'un très fin papier si délicat qu’il en est presque translucide, le dessin de deux cent cinquante-sept constellations chinoises regroupant 1337 étoiles regroupées en 257 astérismes y sont représentées avec une précision remarquable de 1 à 3 degrés près.Malgré son aspect profondément esthétique, la carte céleste fut totalement oubliée dans les caves du British Museum, perdue au milieu des sutras bouddhiques.

Non seulement, il s’agit du plus ancien document de ce type connu aujourd’hui à la surface du globe, le plus ancien atlas céleste dont l’humanité ait gardé une trace, mais il a été réalisé en utilisant des méthodes de projection étonnamment modernes, révélant alors un degré d’avancement insoupçonné des mathématiques chinoises.
 
L’auteur anonyme de cette carte avait pourtant à résoudre un problème complexe : comment projeter une sphère, celle de la voûte céleste, sur un plan, celui d’une carte ? En Europe, il a fallu attendre 1569 pour que le mathématicien et géographe flamand, Gérard Mercator, mette au point une méthode de projection rigoureuse. Qu’un astronome ait eu la maîtrise de cette technique géométrique sept à huit siècles plus tôt, voilà un résultat surprenant, preuve s’il en est, que la science chinoise de cette époque était bel et bien en avance sur ses contemporaines.
Comme dans la plupart des cartes chinoises ultérieures, les astérismes y sont représentés en joignant les étoiles de chaque astérisme par un fin segment de droite, exactement comme dans nos cartes célestes usuelles. Le plus souvent, sur les cartes chinoises, les étoiles sont représentées par des points de même grosseur quelle que soit leur magnitude. 
Comme les autres manuscrits retrouvés dans la grotte, le document a été miraculeusement préservé grâce au climat très aride. Il est divisé en deux parties. Un texte de divination sur les phénomènes atmosphériques est inscrit sur la première partie du rouleau, avec des dessins et des commentaires sous la forme des nuages et servant à déterminer grâce à la forme des nuages la fortune de l'année à venir . Vient ensuite la carte céleste constituée de douze panneaux rectangulaires décrivant l’équateur céleste (ligne rouge), complétés par une carte circulaire de la région du pôle Nord (projection azimutale).
 


Les étoiles issues de trois catalogues sont représentées en trois couleurs (rouge, noir, blanc).  Sur la carte de Dunhuang, les étoiles sont réparties en trois groupes de couleurs différentes pour distinguer les trois catalogues anciens élaborés durant la période des Royaumes Combattants (de -476 à -221).
L’examen et l’identification des astérismes chinois (groupements d’étoiles remarquables, ancêtres des constellations) dont les noms figurent sur la carte, ont pu montrer que les panneaux étaient centrés sur l’équateur céleste tandis que la région circulaire était ordonnée autour du pôle céleste.

La datation de la carte a été une véritable enquête policière. Le rouleau est très bien conservé mais le début du rouleau ayant disparu , le titre et le nom de l’auteur ne sont pas disponibles. Mais dans la première partie du rouleau dédiée à l’étude des nuages, une mention très claire est faite au nom de Li Chun Feng (+602-670), un astronome et mathématicien extrêmement célèbre de la dynastie Tang qui pourrait donc être l’auteur.
Cette même époque est également corroborée approximativement par la position du pole Nord sur la carte circulaire des régions circumpolaires. La preuve finale a été fournie par une particularité étonnante de la langue chinoise ancienne, les caractères « tabous ». Durant le règne d’un empereur chinois, par respect, les caractères qui composaient le nom de l’empereur régnant ne pouvaient être employés dans les textes officiels. On utilisait alors une forme légèrement différente, en transformant certains de leurs traits. Ces caractères modifiés qui étaient connus sous le nom de caractères « tabous » marquent donc une époque très précise de règne. Grâce à eux, il est possible de savoir que le document a été produit après le règne de l’empereur Taizong (+649) et avant celui de Ruizong (+684, ce qui correspond bien à l’époque de Li Chunfeng.).
Chaque panneau de la carte de Dun Huang
représente la région
parcourue par le Soleil en un mois,
ici la région d'Orion
Enfin à la fin de la carte se trouve un dessin du dieu de la foudre représenté dans le costume d'un dignitaire Chinois.
Voir aussi
 

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