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jeudi 24 mai 2018

Le mythe des dix soleils

Au cours de la dynastie des Shang (1700-1100 av. J.-C), il existait un «mythe des dix soleils » et la classe dirigeante des Shang était organisée en relation à ces dix soleils. Ce mythe était spécifique aux Shang. A l'époque où les Zhou, qui ne croyaient qu'en un seul soleil, conquirent les Shang, le mythe perdit son sens initial mais il fut transformé et continua d'exister sous d'autres contextes. Au niveau populaire, on continuait de croire en l'existence des dix soleils qui se levaient chaque jour de la semaine de dix jours, l'un après l'autre chacun porté par l'une des branches du Mûrier dans les régions extérieures.

Le mythe des dix soleils est raconté par le Huainanzi. un texte syncrétique compilé à la court de Liu An. prince de Huainan (région au Sud de la rivière Huai) et présenté à l'empereur des Han, Wu Di. en 139 av. J.-C. et par le Shanhaji. un corpus de géographies mythologiques.
« Au-delà de la vallée Tang se tient le Fu Sang (le Mûrier). Neuf soleils pendent à ses branches inférieures, un soleil, sur sa branche supérieure.  
Quand vint le temps de Yao (le souverain), les dix soleils sortirent ensemble, grillant les semences et tuant les herbes, ainsi les gens n'avaient plus de quoi se nourrir. » On raconte alors que Yao s'adressa au ciel et demanda qu'on lui envoie de l'aide. L'archer Yi fut envoyé par le ciel et il décocha neuf flèches qui atteignirent neuf soleils. Quand il allait viser le dixième soleil on l'arrêta, voila pourquoi il ne reste plus aujourd'hui qu'un seul soleil.

Il se trouve qu'à l'époque des Shang (1700-1100 av. J.-C), la mythologie incluait une forme de dualisme antérieure à la plus récente théorie du Yin et du Yang et selon laquelle, les couples d'opposés/complémentaires étaient les suivants : Soleils/Lunes - ciel/monde sous-marin - oiseaux/dragons - est/ouest - vie/mort - Seigneur d'En Haut/Seigneur d'En Bas.
Le soleil et la lune étaient associés à la lumière du jour et de la nuit qui s'engendraient l'une l'autre. La légende raconte que chacun des dix soleils contenait en son centre un corbeau noir et qu'après que l'archer céleste Yi ait descendu les neufs soleils, les neufs corbeaux qui résidaient en leurs centres respectifs s'étaient réfugiés dans le dernier soleil restant. Cet aspect anodin de la légende possède au moins deux significations d'un très grand intérêt. D'une part, il illustre la complémentarité qui sera celle du principe d'alternance Yin-Yang, car le soleil, emblème du jour et de la lumière, contient en lui-même un point noir, représenté par le corbeau noir. La légende raconte d'ailleurs que de manière équivalente, la lune contient de son côté un lapin blanc en son centre. Ainsi la Grande Lumière, le Grand Yang, le Tai Yang. le soleil, contient en lui le germe des Ténèbres, du Yin. de la lime, symbolisé par le corbeau noir, de la même manière que la lune contient un lapin blanc, symbole du germe de Yang qui naît de l'extrême Yin. L'autre intérêt de cet aspect du mythe est qu'il reflète l'attention particulière avec laquelle les Chinois ont observé le ciel, car le soleil contient en effet des tâches noires. Ces tâches noires sont difficiles à observer à l'œil nu mais on peut parfois les voir et plus particulièrement aux périodes de maximum d'activité magnétique du soleil, ce qui se produit tous les onze ans. La dernière s'est produite en 2011. Le soleil possède un champ magnétique avec un pôle nord et un pôle sud, comme les boussoles qui furent d'ailleurs inventées par les Chinois. Ce champ magnétique se renverse tous les onze ans pour finir par revenir à sa position au bout d'une période de vingt-deux ans. On peut s'imaginer le champ magnétique du soleil comme un ensemble de lignes invisibles avec lesquelles s'alignerait une boussole si elle était située sur l'une de ces lignes qui encerclent le soleil. Il existe des régions du soleil où ces lignes sont plus concentrées qu'ailleurs, où l'activité magnétique du soleil est maximale. La matière serait piégée dans ces régions qui nous apparaissent comme des tâches noires à la surface du soleil. Les Chinois ont donc intégré une donnée observable dans leur mythologie, ce qui montre l'importance d'intégrer le ciel dans sa propre réalité dans la description du inonde. A partir de 28 av. J.-C, ou retrouvé les traces de relevés systématiques de l'activité solaire à travers l'observation des tâches solaires.
Le premier principe à l'origine des transformations du inonde est parfaitement illustré le mythe de l'arbre aux 10 soleils. Lorsque le Yang est à son maximum. commence à germer le Yin. Ainsi là où le soleil devrait être encore plus lumineux, il devient noir sous la forme de tâches. On retrouve la notion de point noir dans la goutte blanche qui symbolise le Yin qui apparaît dans le Tai Yang (cf Figure ci-dessus). Ces deux notions sont appelées Yin et Yang  depuis l'époque des Royaumes Combattants, mais elles existaient bien avant sous les formes décrites ci-dessus pour la dynastie des Shang.

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