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dimanche 31 mars 2024

Le Pas de Yu ( Yu Bu / Yǔ Bù 禹步)

 

Le pas de Yu est une sorte de danse sacrée que les Dao Shi道士 prêtes taoïstes ont pratiqués depuis le début de l’ère chrétienne en particulier , lors de fêtes paysannes saisonnières. Ils dansent encore, de nos jours quand ils procèdent à des incantations, à des envoûtements, quand ils extériorisent leur âme en vue d’une action magique ; en un mot, quand, pour arriver à un haut degré de puissance personnelle, ils désirent entrer en transes.

Une danse inspirée par un Empereur légendaire
Le pas de Yu est une danse inspirée à l’origine de l’histoire de l’empereur légendaire et fondateur de la dynastie des Xia (夏朝 xià cháo) : Yu le Grand Dà Yǔ大禹.

L'apparition de Da Yu a été mentionnée dans l'ancien livre pré-Qin "Zi Zi", disant qu'il souffrait d'une "maladie" due au surmenage, ce qui l'a amené à bouger maladroitement et à marcher étrangement. Il s'appelait "Yu Bu".

Afin de maitriser les eaux du Fleuve jaune, il aurait conclu une avec le Dieu du Fleuve Jaune, consistant à céder la moitié de son corps en recevant en échange la puissance nécessaire pour canaliser et diriger ce fleuve vers la mer, en particulier par la construction de canaux plus profonds.

La légende raconte que ce travail d’aménagement de canaux et d’écoulement des eaux s’effectua selon un parcours dansé : hémiplégique à la suite de l’accord conclu avec la divinité du Fleuve Jaune, Yu sautillait en traînant une jambe, mouvement qui devint par la suite le fameux "Pas de Yu".

"Zi Zi": "Le travail de Yu n'a pas vu sa maison depuis dix ans. Ses mains n'ont pas de griffes, ses tibias n'ont pas de cheveux et ils sont partiellement flétris. Ses pas ne peuvent pas se croiser. Les gens les appellent les pas de Yu."

Alors, qu’est-ce que cette « maladie du flétrissement partiel » exactement ? En fait, cette « sécheresse partielle » fait désormais référence à l'hémiplégie. C’est un fait remarquable que ces grands labeurs aient ainsi déterminé chez lui une maladie (Che-tseu, chap. 2) que l’on décrit comme une espèce d’hémiplégie, une paralysie partielle causée par la consomption, le dessèchement d’une partie du corps.

Il est dit dans "Zi Zi" que Da Yu souffrait de cette maladie, ce qui le faisait "marcher sans se croiser", c'est-à-dire que ses deux jambes ne pouvaient pas marcher alternativement en avant et en arrière, et il ne pouvait avancer qu'avec une seule jambe. et faites glisser l'autre jambe.

Le récit de « Dongshen badi yuanbian jing洞神八帝元變經 (Livre des transformations mystérieuses des Huit Empereurs du Dieu des Cavernes» dans la partie « Caverne des divinités » [du Canon taoïste]), dans un paragraphe intitulé « Marche de Yu jusqu’aux puissances divines » (Yu bu zhi ling 禹步致靈)" rappelle en prologue l’histoire de ce pas. il est dit que lorsque Yu le Grand contrôlait les inondations, arriva au bord de la mer de Chine méridionale, il vit l'oiseau divin interdisant la malédiction, pouvait lancer un sort qui pouvait faire fendre les rochers.  Avant que l'oiseau divin ne lance le sort, il effectuait souvent ce Pas. Yu s’est en fait inspiré du pas d’un oiseau s’adonnant à une séance d’exorcisme — de fermeture et d’incantation (jin zhou禁咒) —, dont l’effet se traduit par le retournement des pierres où se cachent les serpents, la friandise préférée du volatile. a ensuite imité ses actions et  a appris à pratiquer la technique. Depuis, il a pu restituer la magie avec toutes ses compétences. Le but de ce rituel est de convoquer les divinités et la marche s’accomplit non pas sur des étoiles, mais sur les trigrammes désignant autant de directions spatiales. L’officiant se tient sur le trigramme Xun 巽, face à l’autel, il fait résonner le «tambour céleste» (grince des dents), retient sa respiration et avance: le pied gauche est d’abord posé sur le trigramme Li 離, puis le pied droit va sur Kun 坤, etc., jusqu’à ce que l’officiant atteigne la Porte de l’homme (ren men人門) (fig. 2), où il expire et prononce une incantation dédiée aux trigrammes, sous l’égide de Taishang Laojun 太上老君. 

                                            « La marche de Yu jusqu’aux puissances
divines » sur les Huit Trigrammes

Au moins à partir des Song, ce rite fait partie du rituel de purification de l’aire sacrée, et du rituel de la délivrance du mémoire de présentation du rituel (biao 表) aux divinités. Il s’agit donc bien de faire intervenir ce pas dans une re-création du monde, dans sa mise en ordre, à l’instar de la geste de Yu le Grand; et de procéder à une ascension céleste en marchant sur les étoiles. Trois actions vont de pair avec ce pas: la visualisation de la divinité associée à chaque endroit, la profération d’incantations, le pointage dans la main des points correspondants au trigramme ou à l’étoile concernée.

L’arrangement des trigrammes, associés à des orients et à des nombres, est connu au moins depuis les Han postérieurs203 et fait spontanément penser à la configuration dite Luoshu 洛書 (Écrits de la Luo) et à la circulation de la divinité Taiyi 太一 dans les Neuf Palais (Taiyi bu
jiu gong太一步九宮)



 D’après le Compendium des cinq agents (Wuxing dayi 五行大義) de Xiao Ji 蕭吉 (VIe siècle), les changements de position se faisaient dans l’ordre croissant des nombres associés aux palais. Par exemple, Taiyi sur le trigramme Kan (1, Nord) passait sur Kun (2, Sud-Ouest), les autres esprits se déplaçant en suivant le même parcours

Plus tard, Da Yu en déduisit plus de 100 méthodes, et finalement il y en eut plus de 90 sortes.

Les générations ultérieures de sorciers ont imité Da Yu et ont lentement formé Yu Bu. Bien entendu, il existe de nombreux pas Yu adaptées à différentes occasions et ne peuvent être généralisées.

De Yu le grand, devenu hémiplégique à cause de ses travaux titanesques, à son pas entrant dans un rite exorciste et apotropaïque ; de ce pas codifié comme une danse rituelle pour cueillir les champignons d’immortalité dans les montagnes ou conduisant à l’invisibilité au dispositif du carré magique à neuf cases pour s’unir sexuellement lors d’un rituel d’initiation ou convoquer les divinités grâce à une déambulation sur les trigrammes; de la mise en place de l’aire sacrée à la délivrance d’un mémoire aux divinités; de l’autel pour vénérer les divinités aux Palais-couleurs du calendrier,  il n’y a pas d’aboutissement ultime où une mise en place prévaudrait sur une autre. 

Chacune de ces formes subsiste diachroniquement et synchroniquement le Yijian zhi de Hong Mai 洪邁 (1123-1202) est là, vers le XIIe siècle, pour nous rappeler que le pas de Yu, la marche sur le maillage céleste, en tenant un bol d’eau lustrale, une épée ou en proférant des incantations, interviennent pour faire pleuvoir, délivrer d’un démon et guérir, « enquêter et convoquer les démons » kaozhao考招 par des officiants se réclamant du taoïsme ou du bouddhisme, ou présentés comme des maîtres de rituels d’exorcisme fashi 法師 ou des maîtres « hétérodoxes » xieshi 邪師

Un hommage dédié aux esprits de l’eau et de la terre à l’origine

Le « Pas de Yu » est une danse dévotionnelle car elle rend hommage aux divinités des Eaux et de la Terre.

Elle est aussi une danse extatique nous permettant d’entrer en transe pour nous unir à ces divinités : en chinois, l’entrée en transe se traduit par 蹈神 dǎo shén qui signifie littéralement ballotter l’esprit, dǎo désignant plus spécifiquement le sautillement.

À l’origine, elle est de plus une danse magique : l’entrée en transe et les incantations adressées aux divinités ont pour but d’obtenir un résultat magique précis, de canaliser et d’accueillir les forces des Esprits des Eaux et des Monts et, par conséquent, de favoriser la tombée modérée de la pluie en période de grande sécheresse afin de nourrir la Terre.

La danse extatique fait partie des procédés par lesquels s’acquiert un pouvoir de commandement sur les hommes et sur la Nature. On sait que ce Pouvoir régulateur, dans les textes dits taoïstes comme dans les textes dits confucéens, se nomme le Tao. 

Le Tao, chez les Pères taoïstes, sert à nommer le Principe premier de réalisation. L’extase des penseurs taoïstes vise à créer une communion avec le Tao. Cette intime pénétration confère à l’extatique des pouvoirs indéfinis qui lui permettent d’agir sur toutes choses sans intermédiaire, par une action d’esprit à esprit.

Ge Hong évoque le "Pas de Yu" (ou "Pas du Tourbillon de Jade"). dans le chapitre 17 du Bao Pu Zi /  Bào Pǔ Zǐ抱朴子 intitulé : monter (sur les monts), passer à gué (les fleuves),traduit et cité par Marcel Granet, Danses et légendes de la Chine ancienne. Ce chapitre est souvent considéré comme l'un des plus célèbres du livre. Il décrit les méthodes de méditation taoïste pour atteindre l'immortalité et comprend des instructions détaillées sur la façon de pratiquer le "Pas de Yu" pour atteindre cet objectif.

"Étant en station debout, avec le pied droit devant et le gauche derrière. Alors à nouveau, portez en avant le pied droit ; faisant suivre le pied droit par le gauche, mettez-les sur la même ligne : c’est le premier pas. — Alors, qu’à nouveau soit en avant le pied droit. Alors, portez en avant le pied gauche ; faisant suivre le pied gauche par le droit, mettez-les sur la même ligne : c’est le deuxième pas. — Alors, qu’à nouveau, soit en avant le pied droit ; faisant suivre le pied droit par le gauche, mettez-les sur la même ligne : c’est le troisième pas."

Nous assistons à une sorte de danse chaloupée, de droite à gauche, avec un pied traînant derrière l’autre, alternativement le droit puis le gauche: il ne s’agit donc pas du boitement d’un seul pied. 

L’emploi du Pas de Yu (comme la possession de certaines épées magiques) a pour but d’assurer la domination sur les différents Esprits des Eaux et des Monts (par ex. : les Tch’e-mei) et que la possession des célèbres Chaudrons de Yu le Grand entraînait exactement la même puissance 

La démarche traînante, une jambe en arrière, par laquelle on se rend mettre des Tch’e-mei, génies de la pluie ou de la sécheresse, s’exprime aussi par le mot wang, lequel se dit des personnes atteintes de consomption et des sorcières que l’on exposait en plein air aux temps féodaux (ou que l’on brûlait) pour vaincre la sécheresse et obtenir la pluie. On sait que l’exposition d’un prince réalisait les mêmes effets. Le même mot wang entre aujourd’hui dans l’expression Wang-yi, nom des poupées dans lesquelles les sorciers, lorsqu’ils entrent en transes, extériorisent leur âme.

Che-tseu (chap. 2) parle du Pas de Yu et le définit brièvement : « Les pas (de chaque pied) ne se dépassaient point l’un l’autre », ce qui s’accorde parfaitement avec la formule du Bao Pu Zi. Che-tseu ne présente point le Pas de Yu comme une pratique magico-religieuse ; il le présente comme une caractéristique physique de Yu le Grand, fondateur de la première dynastie royale. 

De même, Lu Bu wei (chap. 20) emploie, à propos de Yu, la formule «ses pas ne se dépassaient point l’un l’autre».




Le chapitre « Xian Yao » enregistre également les pas de Yu : "Levez d'abord la gauche, passez la droite par-dessus la gauche et la gauche tourne vers la droite. La fois suivante, soulevez la droite, croisez la gauche par-dessus la droite et la droite tourne. vers la gauche. La prochaine fois, soulevez la gauche, traversez la droite par-dessus la gauche et la gauche tourne vers la droite. Trois pas comme celui-ci équivalent à deux pieds et un pied, et il y a neuf traces derrière."

"Les trois marches et neuf traces de Yu sont neuf marches en forme de D, une pas mesure sept pieds (1pied= 0,3561 m), trois sept pieds font vingt et un pieds. C'est l'étape la plus fondamentale de Yubu. Il avance en levant d'abord son pied gauche, faisant neuf traces en trois pas, et les traces forment l'hexagramme Li kan 离坎. Cette méthode est appelée le plan en étoile des trois étapes et des neuf traces dans les livres taoïstes. 

La pratique peut s’effectuer selon différents rythmes, de manière hésitante comme de manière précipitée.À travers cette danse qui représente le sautillement de Yu provoqué par le dépérissement d’une partie de son corps, deux mouvements représentant symboliquement une communion avec les Éléments de la Nature, l’Eau et la Terre en particulier, peuvent ainsi être identifiés :

-   le fait de porter en avant le pied gauche devant le pied droit ou de porter en avant le pied droit devant le pied gauche constitue le mouvement qui incarne l’ascension des montagnes : il s’agit de la connexion avec la Terre ;

-   le fait de faire suivre le pied droit derrière le gauche ou de faire suivre le pied gauche derrière le pied droit constitue le mouvement qui incarne le passage à gué d’une rivière ou d’un fleuve : il s’agit de la connexion avec l’Eau.

Le « Pas de Yu » s’effectuait à l’origine par une alternance de sautillements sur les pierres et le passage à gué des eaux. Piétiner les pierres était considéré comme un geste entraînant un certain roulement pouvant lui-même provoquer le Tonnerre et la pluie fécondante.

Ce pas est souvent interprété comme une technique de méditation qui implique des mouvements du corps et de la respiration pour cultiver le qi (énergie vitale) et atteindre un état de transcendance spirituelle. La connexion avec les Esprits des Eaux et des Monts contribue également à intégrer en nous les propriétés des forces de ceux-ci : l’adaptation et la tempérance de notre comportement (Eaux), ainsi que la résistance et la force de persuasion face à toute épreuve de notre vie (Monts).

Une danse qui rééquilibre tout notre être

Si, aujourd’hui, le « Pas de Yu » n’est plus pratiqué en vue de faire tomber la pluie pour nourrir la Terre, il peut en revanche être utilisé pour mieux intégrer les propriétés des Éléments de l’Eau et de la Terre et les rééquilibrer en nous.

Pour ce faire, vous pouvez vous isoler à un moment de la journée où vous vous sentez calme et lorsque votre mental est suffisamment dénué de toute pensée positive ou négative, le matin avant d’entamer votre journée ou le soir après le travail par exemple. Il n’est pas nécessaire de faire appel à de la musique pour vous lancer dans cette pratique.

En vous mettant debout et en tenant votre corps bien droit afin de vous préparer à effectuer le « Pas de Yu », il est important que vous puissiez chasser les dernières pensées qui traversent votre mental afin de faire le vide en vous et d’être prêt à accueillir les énergies des Esprits des Eaux et des Monts.

Lorsque vous vous sentez prêt(e), commencez par rendre hommage à Yu, l’Empereur au pouvoir régulateur des Eaux et doté de la puissance qui vise à modeler la Terre en vue de creuser les canaux permettant d’écouler ces Eaux et de canaliser leur force. Visualisez bien ces deux énergies que symbolise l’Empereur Yu : elles ne sont pas contradictoires ou opposées, mais complémentaires. Lorsque vous avez rendu cet hommage, vous pouvez commencer à ressentir, l’une après l’autre, ces deux énergies comme les deux facettes d’une seule et même force, celle qui équilibre et régule votre être intérieur.

Dans un premier temps, votre corps se tenant droit tel un roc à la base ressent cette force des montagnes qui incarne la stabilité et la résistance face à tous les éléments perturbateurs venant s’immiscer dans votre vie quotidienne, ces derniers devenant désormais insignifiants. Vous pouvez renforcer cette enveloppe corporelle en plongeant votre mental dans le son « Di / Dì  » signifiant la Terre en chinois.

Dans un second temps, vous pouvez tempérer cette sensation de protection, d’inflexibilité et de résistance face à toute épreuve, en plongeant votre mental dans le son « Shui » signifiant l’Eau en chinois. Chaque son « Shui » doit être perçu comme une coulée d’eau douce qui purifie votre corps et votre esprit et enrobe l’énergie de la Terre pour l’adapter et la modeler sans pour autant porter atteinte à votre être et à vos racines les plus profondes qui incarnent vos origines et votre identité propre. C’est ainsi que votre corps, qui était droit comme un roc, devient souple et animé par une envie de bouger à travers la tête, les bras, le bassin et les jambes. Vous pouvez à ce moment-là laisser votre corps se mouvoir lentement, sans gestes brusques.

Lorsque vous avez bien ressenti cet équilibre entre ces deux énergies à tel point que vous ne percevez plus qu’une seule et même force, vous pouvez commencer à effectuer le « Pas de Yu » selon la méthode décrite plus haut. Chaque mouvement symbolique de la danse doit être bien ressenti comme une communion avec chaque Élément et comme une intégration de ses propriétés en vous :

-   le fait de porter en avant, dans un mouvement ascendant ou vertical, le pied gauche devant le pied droit ou de porter en avant le pied droit devant le pied gauche est une communion avec la Terre et doit renforcer en vous votre résistance, votre confiance et votre force de persuasion et de détermination face à toute épreuve de la vie ;

-   le fait de faire suivre, dans un mouvement horizontal, le pied droit derrière le gauche ou de faire suivre le pied gauche derrière le pied droit est une communion avec l’Eau et doit renforcer en vous votre capacité d’adaptation face aux évènements les plus difficiles de votre vie, votre force de réceptivité et d’écoute dans vos relations avec autrui sans que les débats et discussions qui peuvent parfois être tendus soient vécus comme des agressions mais plutôt comme un enrichissement pour votre évolution personnelle.

Vous pouvez reproduire le « Pas de Yu » autant de fois que vous le souhaitez, jusqu’à ce que les énergies des Esprits des Monts et des Eaux soient imprégnées en vous et n’incarnent plus que la force bienveillante de Yu, c’est-à-dire cette force équilibrante et régulatrice de vos instincts.

Lorsque vous ressentez cette sensation de paix en vous, vous pouvez rester encore quelques instants dans cet état, puis rendre hommage à l’Empereur Yu avant de revenir progressivement à vous.

Une énergie qui aide à surmonter nos craintes dans la sérénité

Le « Pas de Yu » est une danse qui incarne la force équilibrante de l’Empereur qui régit et maîtrise les forces considérables et puissantes des Eaux. Il représente aussi de façon indirecte la force qui vise à modeler la Terre pour canaliser les forces des Eaux.

Mais au-delà de la maîtrise de ces deux Eléments, l’Eau et la Terre, il est avant tout la force qui concilie les puissances de ces deux grands Éléments. En effet, la légende raconte que, contrairement à son père qui construisait des digues et des murailles pour « contrer » ou « réprimer » les Eaux, Yu ouvrit les cours des fleuves et construisit de profonds canaux pour conduire leurs eaux vers la mer. Il respecta ainsi l’ordre de la Nature sans chercher à la « violenter » ou à l’« affronter ».

L’énergie de Yu, que nous ressentons à travers sa danse, est donc une force qui permet d’affirmer notre personnalité et de partager notre manière d’être et nos opinions avec conviction. Mais elle est également une force qui nous permet d’assouplir notre comportement, de nous adapter aux situations les plus difficiles et les plus inconfortables, ou encore de dialoguer avec des personnes dont nous avons la plus grande crainte car elles ont des opinions et des convictions très différentes des nôtres. Cette divergence de personnalités et les épreuves délicates de la vie ne doivent pas pour autant être un obstacle pour nous : elles constituent au contraire autant d’occasions d’approfondir notre recherche personnelle et d’enrichir notre expérience pour mieux progresser grâce aux leçons de la vie. 

Ainsi, l’énergie de Yu est une force bienveillante qui peut vous accompagner et contribuer à garder votre confiance face à toute épreuve de votre vie quotidienne.


Tà Gāng Bù Dòu 踏罡步鬥
La méthode de marche de Yu Bu est liée à la Grande Ourse. Les pas tournaient en fonction de la position de la grande Ourse, c'est comme marcher sur la constellation d'étoiles Gang . 

Gang, également connu sous le nom de Tian gang, fait référence à la poignée de la Grande Ourse, qui est la cinquième à la septième étoile de la Grande Ourse.Plus tard, la portée a été élargie pour faire référence aux étoiles de l'est, du sud, de l'ouest, du nord et du milieu.

Le but de Yu Bu est de communiquer avec Dieu. Pourquoi communiquer avec Dieu à travers la Grande Ourse ? C'est parce que la Grande Ourse est l'intendant des dieux. La Grande Ourse est le roi des cieux, le maître de deux mille dieux et le destin du monde. Tant que vous parvenez au chef Bei Dou, vous pouvez naturellement appeler ses subordonnés au combat. De plus, la relation entre les talismans et la Grande Ourse est encore plus étroite, c'est pourquoi il y a des symboles de la Grande Ourse dans de nombreux talismans.

Ce n'est qu'ainsi que les dieux pourront être invoqués pour envoyer des généraux et que l'objectif de lancer des talismans pourra être atteint.

La liturgie taoïste va s’emparer à son tour de cette marche terrestre pour en faire une marche cosmique. L’un des premiers textes du Shang Qing 上清, au début des Six Dynasties, décrit en détail une marche sur les étoiles du Boisseau du Nord 北斗. La procession se fait graduellement des Trois Terrasses (santai 三台), situées en dessous du Boisseau du Nord, jusqu’aux sept étoiles auxquelles sont adjointes deux étoiles « assistantes». Elle inclut des pratiques corporelles (rétention de la respiration, grincement des dents, circulation du souffle), toujours des invocations, et relève d’une pratique individuelle pour atteindre l’immortalité.


La marche sur le maillage céleste (bugang)
des Trois Terrasses aux étoiles du Boisseau du Nord


Intégrée dans un rituel d’initiation de deux adeptes, une femme et un homme, relevant de l’ordre taoïste des Maîtres célestes (Tianshi 天師), la marche s’effectue sur les Huit Trigrammes du Yijing disposés dans un diagramme à neuf cases, le célèbre dispositif des Neuf Palais: les Huit Trigrammes sont placés sur le pourtour et la case du centre désigne le Palais central . Sous la houlette d’un maître d’initiation, les adeptes combinent danse, jonction entre eux de différentes parties du corps en fonction du déplacement, et parviennent enfin à la phase ultime où ils unissent le yin et le yang, autrement dit s’unissent sexuellement, mais dont le but essentiel consiste en l’identification des adeptes aux divinités, puis in fine dans la transformation de leurs corps en corps divins avec la conception de l’embryon d’immortalité (Kalinowski, 1985, p. 781-794). Ce rituel d’union sexuelle, dénoncé par les bouddhistes et par les taoïstes d’autres ordres comme licencieux et démoniaque, semble disparaître pour laisser la place aux alentours du VIIIe-IXe siècle à un rituel d’une tout autre portée.

Arpenter les étoiles de la Grande Ourse (步罡 bù gāng) combine deux caractères chinois :

  • le caractère qui signifie pas, étape, état, situation, aller à pied, marche 

  • et  gāng un ancien nom d’étoile qui représente la Grande Casserole. La Grande Casserole, aussi connue sous le nom de Grand Chariot est un astérisme de sept étoiles qui a été reconnu, de tout temps, comme un groupement distinct d’étoiles. Les étoiles la constituant sont les sept plus brillantes de la constellation de la Grande Ourse ou Boisseau ( dǒu).

Bù Gāng步罡est une marche ou danse rituelle taoïste basée sur le Pas de Yu, dans laquelle un prêtre taoïste à travers une représentation symbolique arpente  la constellation des étoiles de la Grande Ourse. 

Lorsque le taoïsme religieux s’est développé pendant la période des Six dynasties (220–589 EC), l’expression 罡踏斗 gāng tà dòu, suivre la ligne directrice et marcher sur les étoiles de la Ourse est devenu populaire.

Le caractère chinois gāng faisait à l’origine référence à l’étoile qui est au bout de la poignée de la Grande Casserole et le caractère  dǒu faisait référence à la Grande Casserole. 

Plus tard, sa signification a été étendue aux étoiles des cinq directions (l’Est, le Sud, l’Ouest, le Nord et le Centre). 

Le maître du rituel, portant des chaussures de nuages, pose le diagramme de la Grande Ourse sur un sol d’environ dix pieds carrés, qui symbolise les neuf couches des cieux. 

Accompagné d’une musique taoïste mélodieuse, le maître rituel visualise les Neuf Cieux, et arpente la Grande Ourse selon les positions des étoiles et les 28 constellations ainsi que le schéma des Neuf Palais et des Huit Trigrammes. 

La méthode de calcul des pas de marche est la suivante : trois jonctions en un mois, et trente jours en un mois (trois fois 10 jours   font référence à trois   jours profits et pertes).

Une heure équivaut à trois jonctions et une  intersection équivaut à quatre-vingt-dix ans. Par conséquent, on dit que faire un pas équivaut à une traversée, et une traversée équivaut à trois traces, ce qui signifie que faire trois pas équivaut à neuf traces, quatre pas équivaut à douze traces, et ainsi de suite. La méthode de marche est : gauche (droite), droite (gauche), gauche (droite), il y a trois traces au total.

Sources

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