jeudi 30 janvier 2020

La douleur en médecine chinoise - Définition

Qu’est ce que la douleur?
La douleur est, selon la définition de l’IASP (International Institut for Study of Pain : institut international d’études de la douleur. Organisme créé en 1990. L'association compte aujourd'hui 6000 membres issus de plus de 100 pays), « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrite en terme d’un tel dommage ». La douleur n'est pas palpable, elle peut seulement être ressentie.

Cette définition tient compte des différentes composantes de la douleur:
ü  les mécanismes neurophysiologiques comme la torsion, la brûlure, la décharge électrique…,
ü  l’affect et les émotions,
ü  le sens ou la valeur donnés à la douleur (faisant référence à des expériences antérieures douloureuses).

Elle englobe l’ensemble des manifestations verbales et non verbales observables chez le patient douloureux comme les plaintes, cris, gémissements, mimiques, postures qui soulagent pour communiquer avec l’entourage.

Comment la médecine moderne explique-t-elle l'apparition de la douleur ?
Le mécanisme de la douleur est résumé de la façon suivante: La transmission de la douleur dans le système nerveux, est un phénomène simplement électrique et chimique, débutant à la périphérie (endroit ou le stimulus est capté par des récepteurs) pour se rendre au cerveau (plus précisément au niveau du thalamus): endroit ou le traitement de la douleur a lieu. En bref, la douleur est avant tout une perception.
La recherche médicale moderne a découvert que le signal de la douleur est transmis par des cellules nerveuses spécialisées (les récepteurs) que l'on trouve dans la peau et dans l'ensemble des tissus du corps. Ces cellules réagissent aux blessures, inflammations et lésions tissulaires. Dès réception de ces messages, les signaux sont véhiculés par voie électrique et chimique, passant, via les neurones sensitifs, des récepteurs à la moelle épinière, et via les interneurones, de la moelle épinière au cerveau où ils sont finalement interprétés en tant que douleur.

En l’absence de douleur, tout se passe comme s’il y avait un équilibre entre la perception des stimulations produisant la douleur et des systèmes de contrôle inhibiteurs.

Les phénomènes douloureux surviennent soit en cas d’excès de stimulation des récepteurs soit par insuffisance des contrôles inhibiteurs.

La Douleur dans la vision de la médecine traditionnelle chinoise
Le corps maintient un équilibre entre Yin et Yang, Qi et Sang. Qi et Sang circulent dans le corps selon des trajets bien définis appelés méridiens.Quand le Qi ou le Sang font défaut (Vide ou Insuffisance) ou qu'ils s'amassent quelque part (Plénitude ou Excès), il se forme un déséquilibre entre le Yin et le Yang, les viscères Internes n'ont plus leur fonctionnement optimum et la maladie et la douleur se développent. Quand il y a douleur, le Yin et le Yang ne sont pas en harmonie, le Qi est bloqué par le Sang

S’il n’est pas de discours philosophique sur la douleur dans la Chine antique, celle-ci est pourtant très tôt prise en compte ; elle fait partie des symptômes répertoriés sur les plus anciens documents écrits : les inscriptions sur os et sur écaille datant du deuxième millénaire avant notre ère. Elle n’a cessé ensuite d’être évoquée et développée dans tous les documents médicaux.

La douleur et ses causes ont été décrites il y a presque 2000 ans dans le le Nei-jing, ou Classique de Médecine Interne de l'Empereur Jaune (1er siècle avant notre ère), et plus spécialement la première partie le Su Wen mis en forme aux alentours du premier siècle avant notre ère, qui pose les bases de l’observation de la douleur, de ses différentes formes et de ses causes, bases qui n’ont cessé de se préciser et de devenir plus détaillées au cours des siècles, sans être vraiment remises en question. 

La stagnation de Qi et de Sang y est présentée comme la cause essentielle de la douleur «la douleur est due au blocage, le déblocage est indolore». Autrement dit, «l’obstruction provoque la douleur». Par conséquent, quelle que soit son origine et sa localisation, une manifestation douloureuse est toujours provoquée par un blocage des mouvements de l’énergie au niveau des organes et des entrailles, ou des méridiens.

Pour la médecine traditionnelle chinoise, la douleur est toujours le signe que la circulation normale du Qi est bloquée, dans un endroit particulier.

Le principe de traitement consiste alors à faire circuler le QI et le sang au niveau du méridien concerné afin de réduire l’inflammation locale.

Jusqu'aux dynasties Ming et Qing, la plupart des médecins basaient leurs traitements sur la théorie du Su Wen tout en y apportant des correctifs pour tenir compte des types connus d'étiologie, de physiopathologie, de symptômes et de traitement.

On attribue à Hua Tuo (III e siècle) des opérations chirurgicales, avec l’emploi d’une poudre analgésiante, dont la composition n’est pas connue. Mais après lui, la médecine chinoise traditionnelle s’est peu penchée sur les analgésiques.

Dans le premier traité nosologique (610), la douleur apparaît comme symptôme et comme signe clinique dans la plupart des grandes rubriques pathologiques ;

Le docteur Liu Heng Rui mentionna que le vide est une cause de douleurs.
Yu Chang (1585-1664) écrit en 1658, qu’en cas d'invasion Externe, il faut combiner la méthode de favoriser la circulation du Qi et du Sang avec la méthode pour favoriser la transpiration ; en cas de rétention excessive, il faut la combiner avec la purgation. Mais la douleur peut être causée par l'Insuffisance et l'Excès et le traitement ici n'est pas la tonification et la dispersion. En principe, la douleur avec distension et plénitude est causée par l'Excès, sans distension ni plénitude elle est causée par l'Insuffisance. Etc.

Autre médecin illustre, Wang Qing Ren ( 1768-1831) fit beaucoup avancer la compréhension sur la façon de traiter la douleur. Il se concentra principalement sur le traitement des maladies douloureuses causées par la stagnation de Sang. Il analysa en détail les causes de stagnation de Sang dans son livre célèbre « Correction des erreurs des ouvrages médicaux » (1830) où il indiqua plusieurs prescriptions importantes pour les maladies douloureuses. Ces prescriptions sont d'un usage très répandu aujourd'hui pour un grand nombre de pathologies douloureuses. 

Entre 1960 et 1970, l'acupuncture fut très utilisée dans le domaine chirurgical pour préparer et accompagner les opérations. Elle démontra sa capacité à réduire voire éliminer complètement, avec sûreté et efficacité, les douleurs associées habituellement aux opérations. Elle permettait en outre de maintenir le niveau normal des fonctions physiologiques des patients. Les effets secondaires de l'anesthésie chimique étant ainsi supprimés en grande partie, le temps de récupération post-opératoire était également raccourci.

La douleur est un concept clé de la médecine chinoise traditionnelle, au double visage : d’une part, elle témoigne de l’état pathologique du patient et de ses souffrances ; c’est un élément important du diagnostic. D’autre part, elle est un signe qui a son utilité dans le traitement et peut témoigner du processus de guérison.

La médecine traditionnelle chinoise considère que la douleur est absolument "subtile" et qu'elle a besoin de la perception de l'esprit (Shen), du Yang du patient. C'est pour cette raison qu'à long terme les douleurs entraînent des modifications spirituelles, psychiques ou mentales chez les personnes malades qui correspondent strictement au schéma pathologique. Le Shen habite dans le coeur et une sollicitation constante du Shen (états de douleur) épuisent l'esprit, le coeur et l'émotion Joie.

Selon la Médecine Traditionnelle Chinoise , le concept de douleur peut être subdivisé en deux syndromes : le syndrome Bi et le syndrome Tong.

Les syndromes douloureux peuvent se manifester au niveau des Viscères (comprennent cinq Organes et six Entrailles), des Entrailles particulières (cerveau, moelle, os, vaisseaux, vésicule biliaire et utérus), de la peau, de la chair (les muscles ou Rou), des vaisseaux, des tendons et des Méridiens. Les étiologies, pathogénies, localisations et symptômes de la douleur étant différents, leurs traitements le seront également.

Quelle qu'en soit la cause, la douleur et notamment la douleur chronique dépasse la simple sensation physique. Elle limite les activités quotidiennes et peut dégrader les capacités de fonctionnement du patient. Pourtant, la douleur est en réalité pour la nature un moyen de protéger le corps de possibles lésions tissulaires en donnant un signal d'alarme qui avertit l'individu que quelque chose ne va pas. On peut donc dire en ce sens qu'être attentif à la douleur, c'est se garder de blessures sévères.

Dans la pensée chinoise, basée sur une vision holistique de l'être humain, la douleur chronique n'est jamais considérée comme devant être "gommée", mais on cherche tout d'abord à en comprendre la cause, pour chercher à y remédier. Pour une même douleur, les causes peuvent être différentes.

Vocabulaire de la douleur
Dans les textes anciens, la douleur est nommée essentiellement à l'aide du terme Tong / Tòng (fort / excessivement / avoir mal / douleur). Ce caractère comporte en haut et gauche un élément appelé "clé" ou "radical" du caractère, qui le classe dans la catégorie des maladies. 

Ce système de clés remonte au lexicographe Xu Shen (58– 147), qui, dans ses Explications des caractères et analyse des composés (Shuowen Jie Zi) rédigés vers l’an 100, comprend 108 caractères avec la clé de la maladie. 

Cette clé représente, nous dit-il, un homme s’appuyant sur quelque chose, à la manière d’une personne malade et faible qui a besoin d’un soutien. Le nombre de caractères avec cette clé (des caractères avec d’autres clés concernent aussi la maladie) montre déjà la richesse de l’observation. Celle-ci s’attache plus particulièrement aux perceptions telles que la douleur, l’engorgement, la lourdeur, la démangeaison, les tremblements.

Dans ce dictionnaire, le caractère tong, « douleur », est ainsi défini : «Tong désigne une maladie ; le caractère est formé de la clé de la maladie et du son Tong.»

Autres dénominations pour la douleur
Quatre autres caractères ayant la clé de la maladie concernent la douleur : Huo qui désigne plus particulièrement une douleur de la tête, Xiao une douleur « acide » de la tête qui survient surtout au printemps, Shan / Shàn   une douleur de l’abdomen (hernie), Pi / Pǐune douleur avec sensation d’oppression (constipation / obstruction d'entrailles / dyspepsie). Ainsi, dès les premiers siècles, différents types de douleur ont été répertoriés. Ils tiennent compte déjà de son siège, de ses caractéristiques (douleur « acide » ou oppressante), de ses liens avec les saisons et de son intensité.

Un autre caractère qui va être par la suite très usité pour désigner la douleur est Teng / Téng (avoir mal / (qch) faire mal / chérir / douloureux / endolori). Bien qu'il ne soit pas expliqué dans le dictionnaire de Xu Shen, on le trouve dans des textes de la même époque. Il va être souvent associé dans un binôme avec tong pour former le vocable Teng Tong / Téng Tòng.(douleur). Certains médecins ont même voulu voir dans Teng une douleur yin et dans Tong une douleur yang.

Lire aussi : les syndrômes de la douleur en médecine chinoise
               Le diagnostic de la douleur en médecine chinoise
                 Classification des Bi en médecine chinoise
              Localisation de la douleur en médecine chinoise               
              Le traitement de la douleur en médecine chinoise 
              Précisions sur l'utilisation des points locaux et distaux en médecine chinoise 

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