dimanche 5 janvier 2014

Au commencement était le DAO - 1

La médecine chinoise et la pratique du Qi gong est encore fortement imprégné de nos jours des racines philosophiques et psychologiques issues d’une certaine conception chinoise taoïste de l’univers, macrocosme dont l’homme, microcosme, n’est qu’un infinitésimal prolongement. Mon intention n’est pas ici de faire un récapitulatif complet de ce qu’est le taoïsme, mais de livrer les quelques clefs nécessaires à la compréhension de ce qu’est le taoïsme. 




Le  Dao, tel qu'il ressort du livre « Dao De Jing », qui signifie « le livre de la Voie et de la Vertu », est la pierre angulaire de la doctrine de Laozi. 

1.     Le Dao ne peut être nommé

Il s’agit du Principe premier d’où tout précède et où tout retourne, qui embrasse toutes choses et engendre tous les phénomènes, de lui est né l'univers et les dix mille êtres, en l'absence de terme adéquat Lao Zi le nomme  Dao.

On ne peut le décrire car toute tentative de définition est par définition limitative.
« Le Dao qui peut s’exprimer par des mots n’est pas le Dao Eternel »
« Le Tao qui peut s’énoncer n’est pas le tao  authentique».- Lao ZI


Ne pouvant le nommer " car le Dao que l'on nomme n'est pas le Dao authentique (Laozi ou Lao Tseu), on préfère lui donner le nom de " Grand " ou " Grande Unité ". Vous pouvez définir ses attributs et voir ses expressions dans la nature (10 000 objets), mais vous ne pouvez pas définir son essence.


La voie n’ayant pas eu de commencement n’aura pas de fin.
 « Il y avait quelque chose d’indéterminé qui existait avant le ciel et la terre(avant la naissance de l'univers), Quelque chose de silencieux et d’invisible (vide)

II est indépendant et inaltérable, toujours et inlassablement en mouvement
De l’univers, il peut être la mère. Ne connaissant pas son nom je l’appelle DAO ».
 – Dao De Jing, chapitre 25 Lao Tzi


2.      Le Dao est l’origine de l’univers et de toutes choses
 Les anciens chinois croyaient que toute vie émergeait de l'existence éternelle du Tao et qu'elle se dissolvait finalement dans la lumière infinie. 
"Il existe une chose chaotique née avant le ciel et la terre. Si silencieuse. Si vide. Unique et immuable. Tournant sans cesse, on pourrait l'appeler la Mère de Toutes Choses Sous le Ciel. Je ne connais pas son nom. Je l'appelle DAO à contrecœur, et si, forcé à le faire, je le décrirais comme étant grand."

Selon Guan Zi, le Premier Ministre de l'état de Qi, qui a vécu au cours de la période des Printemps et Automnes (770-476 av. J.C.), "Le Dao n'a ni racine, ni tronc, ni feuille, ni fleur, mais des milliers de choses naissent et se développent à partir de lui. Il vient se reposer dans le coeur empli de compassion. Dans l'esprit serein et le Qi harmonisé réside le Dao".

Antérieur au ciel et à la terre, de lui tout est issu. Le  Dao correspond à une Unité fondamentale qui est à l'origine de tous les phénomènes manifestés.
"Le Dao donne naissance à l'un (Tai Ji)
L’un à deux (yin et yang),
Le deux au trois (ciel, terre et homme).
Du trois sont issus les dix mille êtres.
Les dix mille êtres,
Dos au yin, face au yang,
S’unissent au souffle primordial
Pour produire l'harmonie"- Dao De Jing

Le trois dans l’optique taoïste représente la combinaison des souffles vitaux et du vide médian, qui rend possible l’interaction féconde du yin et du yang débouchant sur les dix mille êtres. En chine, dix mille êtres représentent tout l’univers, la totalité. C’est le symbole de ce qui est si grand qu’on ne peut le nommer. Ce vide médian réside en toutes choses et insuffle Qi et vie. Il maintient toutes choses en relation avec le vide suprême, la  Dao, leur permettant d’accéder à la transformation interne et à l’unité harmonie.
Tout procède de lui (le Dao), et évolue par et sous son influence- Zhuang Zi

Le  Dao représente le cours naturel des choses. Les anciens chinois croyaient que toute vie émergeait de l'existence éternelle du Tao et qu'elle se dissolvait finalement dans la lumière infinie.
Les chinois croyaient qu'avant la conception, un individu existait en tant que partie intégrante du Tao.

3.      L'unité est l'essence de tout
Le  Dao est la force fondamentale, entièrement indéterminée et absolument autonome, qui coule en toutes choses dans l’univers, vivantes ou inertes. En lui-même il est l'inexprimable unité; quand il se produit au dehors, il se divise, et alors il a un nom.
« Au‑dessus des êtres terrestres, sont le ciel et la terre, l’immensité visible. Au‑dessus du ciel et de la terre, sont le yin et le yang, l’immensité invisible. Au‑dessus de tout, est le Principe, commun à tout, contenant et pénétrant tout, dont l’infinité est l’attribut propre, le seul par lequel on puisse le désigner, car il n’a pas de nom propre ». – Zhuangzi.

                 4.     L'approche spirituelle du Dao
"Le Dao" peut se traduire simultanément comme une approche spirituelle vers le Divin et comme le royaume infiniment subtil et la présence du Divin sous-jacents à toutes choses.

Selon les anciens enseignements ésotériques chinois, la vibration énergétique et la lumière relatives au Tao (au Divin) sont imprimées dans chaque particule et tout ce qui existe (l’ensemble de la création) est simplement l’expression et la manifestation du Divin.

Le  Dao est contenu dans chacune des particules de l’esprit , celui-ci étant le médium par lequel se manifeste le Divin. « L’esprit » existe comme un océan infini de vibrations à l’intérieur du Wu ji (l’espace infini) allant des niveaux vibratoires les plus élevés jusqu’au plan basique matériel.
Les premiers taoïstes pensaient que la forme énergétique et spirituelle du Divin correspondait à un feu vibrant et lumineux composé d'un nombre infini de Shen Ling (esprits surnaturels) entourant son noyau central.  Les Shen Ling proviennent du Dao, sous la forme d'une multitude de fragments ou rayons divins, appelés également "Etincelles du Feu suprême"; ils étaient considérés comme les messagers du Divin et étianet eux-mêmes entourés par une multitude de Shen Xian (Ames éternelles).
Le Dao infini ou le Divin

Le Dao peut se traduire simultanément comme une approche spirituelle vers le Divin. 
Les chinois croyaient qu’avant la conception un individu existait en tant que partie intégrante du  Dao. Il est en présence du Divin, sans forme, indifférencié et non assujetti aux lois physiques de la naissance, de la croissance, de la mort et de la décomposition. Au moment de la conception, il devient moins conscient de cette connexion.  La « voie » se réfère, par conséquent au voyage de retour, après notre naissance, vers la conscience universelle et l’intégration à l’ordre cosmique de la création et au Divin."  Traité de qi gong Médical de Jerry Alan Johnson

             5.      Le Dao est la  voie 
A l'origine, l'idéogramme Dao signifie « voie » mais aussi « doctrine ». «  le but n’est pas seulement le but mais le chemin qui y conduit ».
Très tôt, ce concept est utilisé dans le sens de « Voie de l'homme », c'est-à-dire de conduites humaines, de lois morales. C'est ce sens que prend le mot  Dao dans les textes confucianistes.

D'autre part, le  Dao représente tout ce qui, dans l'univers, est correct, normal ou juste ; en fait, il ne dévie jamais de son cours. Il inclut par conséquent tous les rapports corrects et vertueux entre les hommes et entre les esprits, qui seuls favorisent le bonheur universel et la vie."[De Groot -1892].  
L'étude de l'ancien Taoïsme chinois n'était pas une religion, mais une voie et une méthode permettant d'entretenir l'harmonie entre ce monde (le plan physique) et ceux situés au-delà (le plan énergétique et le plan spirituel).

6.     Le Dao est en perpétuelle mutation
Dans le Yi King, il est observé l’interaction d’un Yin et d’un Yang s’appelle Dao (la Voie ou Ordre Suprême), et le processus de génération constante qui en résulte s’appelle 'mutation'.

« Tous les êtres sont un tout, qui se transforme sans cesse. Le binôme transcendant ciel‑terre, préside à toutes les transformations, à la succession des morts et des vies, aux mutations de tous les êtres, sans qu’aucun de ces êtres ait une connaissance explicite de la cause première de tous ces mouvements, du Principe qui fait tout durer depuis le commencement.» -Zhuang zi
Le  Dao n’est point la somme du yin et du yang, mais le régulateur de leur alternance.
« une (fois) yin, une (fois) yang, c’est là le Dao » dit Hi Tseu.

Le Dao préside globalement à l’ensemble des mutations (yi), mais« toile sans tisserand », il n’est pas créateur de l’univers. « Le Dao est imaginé comme le principe immanent de l’universelle spontanéité » - Granet la pensée chinoise. 
« A l’origine, les Souffles étaient confondus et c’était le Chaos. Peu à peu ils se séparèrent en neuf souffles distincts ; les dieux et l’univers sortirent presque ensemble du chaos, sans que les dieux, malgré une légère antériorité, n’aient rien à faire dans la création.[i] - Zhou Yi Xi Ci
L'univers évolue sans cesse à partir d'un matériau unique, le Souffle primordial (Yuanqi) qui est à l'origine du monde et qui siège dans le  Dao. Toute chose n'en est qu'une résultante en plus ou moins grande condensation. Condensé, il est vie; dilué, il est potentiel indéfini.
L'ancien caractère chinois signifiant " Dao" décrit un grand sage, les cheveux dénoués suivant un chemin, une voie, une méthode, un principe ou une doctrine. Le "chemin" est associé aux trois pas, évoquant une figure de danse magique (le pied gauche "yang" commence traditionnellement le rituel, face au sud et se déplaçant vers le soleil levant de l'Est).  Par conséquent, l'idéogramme suggère que l'action est effectuée par une personne possédant une connaissance privilégiée et vers un but choisi.
L'ancienne signification transmise par cet idéogramme peut se traduire par la voie, par laquelle on arrive à se percevoir soi-même et à comprendre sa relation avec l'univers ou le cosmos (Ciel), l'environnement (Terre) et le Divin".
sinogramme du Dao


Lire la suite :
Cosmogonie chinoise : du Dao au Yin/Yang - 2
Du Yin-Yang au Si Xiang - 3

[i] Les Taoïstes croyaient, comme l’ont toujours fait les Chinois, que le monde se gouverne parfaitement tout seul, et qu’il n’y a aucun besoin que les dieux s’en mêlent. Le Ciel produit les êtres et les choses, la Terre les nourrit, les quatre saisons se suivent régulièrement, les cinq éléments se remplacent en triomphant les uns des autres en un cycle sans fin, le yin et le yang se succèdent l’un à l’autre. Toutes choses vont fort bien d’elles-mêmes. Si quelqu’un s’avisait de vouloir les diriger, tout irait de travers, comme l’expliquait déjà Zhuangzi au IIIe siècle avant notre ère. S’il arrive parfois des catastrophes, la faute en est aux hommes. Le Chaos se disloqua par la séparation et la coagulation des souffles

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