mercredi 20 juillet 2022

Les 8 immortels taoïstes


 

Présentation
Les 8 immortels (chinois :
八仙人, pinyin : Ba Xian Ren), désignent les 8 divinités du Daoisme religieux et de la religion populaire chinoise. En réalité, les immortels chinois (xian) ne sont pas des dieux. Ce sont des êtres humains qui ont trouvés la voie de l’immortalité et qui n’exercent pas de fonction particulière et qui apparaissent sur terre au gré de leur caprice.

Ce sont 8 personnages issus de différentes couches de la société qui luttent contre le mal et qui grâce à la pratique du Dao ont acquis différents pouvoirs dont celui de l’immortalité.

La croyance aux immortels précède la naissance du taoïsme du moins dans sa version déiste, dont ils sont devenus un élément essentiel à partir des Han orientaux. Auparavant, ils avaient été au centre du courant Fangxiandao, « Voie des magiciens et des immortels », apparu à l'époque des Royaumes combattants dans les pays de Qi et de Yan jouxtant la mer de Bohai

C’est le taoïsme qui a vraiment développé cette notion d’immortalité, la capacité de prolonger la vie par delà la mort sous la forme de pur esprit. De nombreux rites et exercices physiques, intellectuels, sexuels et spirituels devaient y conduire. On y parvenait pleinement par l’union avec le Tao. Les immortels sont donc des êtres humains qui ont su se fondre avec le Dao, incarnant l’idéal taoïste le plus haut. 

Avant la dynastie des Ming, il y avait plusieurs versions pour les noms des 8 immortels. Il y a les 8 immortels de la dynastie des Han, les 8 immortels de la dynastie des Tang, les 8 immortels des dynasties Song et Yuan.

Evoqué dans les œuvres de Lao Zi, Zhuang Zi et de nombreuses descriptions romanesques du paradis des immortels que l’on rejoint en fermant les yeux à partir des Royaumes combattants, l’immortel, Xian Ren (仙人) ou Xian (), est en Chine un être fantastique aux pouvoirs surnaturels et aux dimensions cosmologiques, dont l’état transcende l’opposition entre vie et mort. Il résulte en effet dans l’idéal d’une transformation qui se produit chez l’aspirant immortel de son vivant grâce à une hygiène de vie et une ascèse spécifiques, aidées par l’absorption d’herbes ou de potions de longue vie que l’on trouve dans des lieux magiques appelés grottes célestes et terres de bonheur , résidences principales de ces êtres fantastiques.

Les immortels appartiennent à l’ensemble des divinités de la religion chinoise, appelées collectivement Shen Xian   « dieux et immortels ».

Analyse du caractère 仙, xiān 
Le sinogramme   qui représente les immortels est composé de la clé personne (, équivalent de , Rén), le classant dans les caractères ayant trait aux humains ou personnages et du radical pictographique de la montagne (, Shān). Cette graphie semble avoir été tout d’abord utilisée en concurrence avec Xiān, qui comporte à la place de la montagne l’élément (Xiān) du caractère Qīan () signifiant déménager ou emménager.

Les dictionnaires de la dynastie Han Shuo Wen Jie Zi (~121), qui contient , et Shi Ming (~200), qui contient , donnent tous deux les définitions suivantes : «vivre longtemps sans mourir ; s’en aller» ; le Shi Ming précise : «s’en aller dans les montagnes». Les premières terres d’immortalité étaient des îles montagneuses mythiques situées dans la mer Jaune.

Immortels chevauchant des dragons

Le caractère  xian (ni sa variante ) n'apparait pas dans le Dao de jing.

Les principales sources historiques

- de l'immortel taoïste 
Dans le  Zhuang Zi, l'adepte poursuivant l'idéal de vie « taoïste », loin du monde, est désigné par les termes de « homme suprême » 至人 zhiren, « homme parfait » 真人 zhenren, « homme divin » 神人 shenren, « saint homme » 聖人 shengren et une fois d'« immortel » 僊 xian(ren).

« sur les lointains monts Gushe habitent des génies [shenren 神人 homme divin]. Leur peau est pareille à la neige brillante. Ils sont délicats comme des vierges. Ils ne mangent aucune des cinq céréales, mais ils hument le vent et boivent la rosée. Ils montent sur les nuées et chevauchent les dragons volants pour aller au-delà des quatre mers. La simple concentration de leur esprits (shen ) guérit les maladies des êtres et procure la maturité des récoltes » (Tchouang-tseu, chap. 1, p.90).

Les purifications physiques et spirituelles visaient à allonger la vie, à alléger le corps pour s'évader du monde:
« Le saint [shengren 聖人] se loge comme la caille; il se nourrit comme le poussin; il va sans laisser de trace comme l'oiseau...Au bout de mille ans, fatigué de ce monde, il le quitte, monte vers le ciel [parmi les immortels], chevauche les nuages blancs et arrive au pays de Dieu [di xiang 帝鄉]. Aucun des trois malheurs ne peut l'atteindre. Son corps ne peut subir aucune atteinte. Quelles injures peut-il essuyer? » (Tchouang-zi, chap 12, p.167)

Dans tout le Zhuangzi, la seule occurrence nominale de xian  se trouve dans cette citation. Les termes les plus fréquents sont zhenren 真人 (18 occurrences) suivi par zhiren 至人 et shengren 聖人 ; remarquons que le terme de daoshi 道士 « taoïste, prête taoïste » n'est pas encore utilisé.

D'une manière assez unique dans l'histoire des religions, l'idéal taoïste a associé la libération spirituelle et l'immortalité physique. Toutefois de nombreux passages du Dao de jing et du Zhuangzi indiquaient aussi que le but de la vie était une recherche spirituelle jusqu'à ce que la mort survienne.

Sous les Han antérieurs (-206, -9), la croyance aux drogues d'immortalité et aux paradis d'Immortalité prit une importance accrue. Sima Qian mentionne dans ses Mémoires historiques, que des « maîtres en techniques » (fangshi), proposaient à l'empereur de fabriquer des plats et gobelets en or alchimique (fait à partir de cinabre), pour accroître la longévité.

Sous les Han postérieurs (+9, +220), les activités des fangshi s'élargissent à la divination, l'astrologie, la guérison, la physiognomonie. Certaines de ces techniques furent adoptées par les adeptes des mouvements taoïstes religieux comme ceux de l'École des cinq boisseaux de riz (Wǔdoǔmǐ daò 五斗米道). 

En +142, Wei Boyang 魏伯阳 écrit le premier ouvrage sur la théorie alchimique, le Zhouyi Cantongqi (周易參同契) dans lequel il introduit une loi de la sympathie.
« Les transformations 变化 dépendent de la vraie nature des substances. Leur début et leur fin ont une cause commune. La manière de devenir immortel en prenant (des médicaments) réside en l’usage de substances de catégorie similaire. » (Cantongqi, chap.12)

La Biographie des Immortels (Liexian zhuan 列仙傳) est un petit recueil de légendes concernant 70 taoïstes ayant obtenu l'immortalité. Traditionnellement attribuée à Liu Xiang, son contenu amène à penser qu'il fut compilé sous les Han postérieurs. Voici celle de Pengzu:
« Pengzu...vécut sous la dynastie Xia jusqu'à la fin des Yin, plus de 800 ans. Il mangeait régulièrement de la cannelle et des agarics; il excellait dans la gymnastique et dans l'art de conduire le souffle...On dit que, par la suite, il disparut en s'élevant vers le Ciel » (Le Liexian zhuan, traduction de Kaltenmark p.82-83)

Au début du IVe siècle, Ge Hong rédige un ouvrage important sur les immortels, le Baopu Zi, 抱朴子, dans lequel il réalise la synthèse de deux traditions:

1. le yangsheng 养生 « nourrir le principe vital» (pratiques gymniques, techniques diététiques, respiratoires, sexuelles etc.)

2.    les techniques alchimiques des fangshi 方士.

« Ceux qui autrefois devenaient Immortels voyaient parfois des ailes pousser sur leur corps. Ils se métamorphosaient et s’envolaient, abandonnant ce qu’ils avaient d’humains et prenant une nouvelle forme » (Baopuzi, chap.3, traduction de Che).

- des 8 immortels
Le thème pictural iconographique (Ba Xian Tu) date au plus tard des Tang. Ils apparaissent aussi dans le théâtre Yuan. Le thème du groupe de huit est connu depuis les huit immortels de Huainan, conseillers de Liu An. Il existe d’autres groupes moins connus comme les huit immortels de Shu. (暗八仙).

C’est à la dynastie des Ming, que Wu Yuan Tai a dans son roman ¨Ba Xian Chu Dong You Ji¨ (Dong You Ji Notes de Voyage vers l’Orient) fixé les noms et l'identité exacte des 8 immortels.

On retrouve aussi les noms de ces 8 immortels dans l’ouvrage anonyme Ba Xian Guo Hai Les Huit Immortels traversent la mer.

Aujourd'hui encore, ils sont souvent représentés dans l’iconographie populaire et religieuse, en personne ou sous la forme des talismans grâce auxquels ils luttent contre le mal, appelés les Huit joyaux (八寶) ou les Huit immortels cachés. Leurs effigies ornent de nombreux objets : peintures, tentures, porcelaines, broderies….

Les 8 immortels sont les symboles de la longévité, de chance, d'éternité, de sagesse et de prospérité. Aujourd'hui encore, leurs effigies ornent de nombreux objets : peintures, tentures, porcelaines, broderies….

Représentation
Généralement invisibles sous leur forme réelle aux humains ordinaires, ils sont décrits par Ge Hong ( 283 - 343 après JC) dans le Bao Pu Zi  (Maître qui embrasse la simplicité) au IVème siècle avec des pupilles carrées, des lobes immenses, parfois une tête de serpent, un habit de plumes, montés sur des grues ou des dragons pour que se constitue une typologie. Ils possèdent les dons de métamorphose et d’ubiquité, apparaissent ou disparaissent à volonté dans un éclat de lumière. Ils peuvent éclairer une pièce obscure.

Ge Hong distingue ainsi trois types d’immortels : les « célestes » agents de la Suprême Souveraineté ; les « terrestres » qui circulent librement entre les mondes et n’ont cure de servir ; les immortels enfin « qui se sont délivrés de leur cadavre » et dont on ne retrouve, en fossoyant leur tombe, que sandales et canne.

Selon lui, l’existence des immortels n’est douteuse qu’à l’homme empêtré dans la perception étroite de ses sens et qui ignore les prodigieuses métamorphoses de la nature. Cette figure prend vraiment consistance à une époque où la Chine est politiquement désunie : face à l’éthique sociale, discrète et limitée du sage confucéen, émerge un nouveau projet fondé sur le retrait de la vie publique, la reconnaissance de l’échec des arts de gouverner au profit d’une construction de soi où l’expérience et l’essai tiennent lieu de vie.

Conformément à la quête taoïste, ils ont percé les secrets de la nature et atteint la vie éternelle. Tous sont morts et se sont transformés. Les hagiographies relatent à l’envi leurs métamorphoses ou leur disparition, signes tangibles qu’ils ont rejoint la source vive du réel. 

Leurs pouvoirs sont nombreux : ils sont endurants, rapides, restent jeunes, contrôlent hommes et bêtes, sont guérisseurs, exorcistes, devins. Certains ont le don d’ubiquité, peuvent devenir invisible ou même voler. Mais ce sont surtout des maîtres en métamorphoses. Il donnent à lire enfin dans leur rencontre l’instabilité foncière des choses et personnalisent la transformation de soi et celle corrélative du monde. 

Ces immortels affectionnaient les endroits montagneux et isolés. Chacun d'eux représente une condition différente : le militaire, le vieux, le riche, le haut fonctionnaire…

C'est aussi un symbole de renouvellement et de fécondité, un emblème du mariage. Un décor de fleurs de pêcher évoque l'harmonie dans le mariage et le second mois de l'année. Selon la légende les pêches apportent le bonheur aux nouveaux mariés parce que la période la plus propice aux mariages heureux est à la première lune du nouvel an chinois, en février, époque où fleurissent les pêchers.

Les 8 immortels ont également inspiré un art martial imitant les mouvements d’un homme ivre qui joue avec le centre de gravité et une instabilité apparente avec des chutes, il s’agit en fait de d’une ruse pour déstabiliser l’adversaire. Cette Boxe de l’homme ivre Zui Quan aurait été inspire par un poème écrit sous la dynastie Tang, intitulé « Les huit immortels dans le vin » et décrivant les immortels s'enivrant.

Eléments chamaniques
Comme les chamans, ils sont maîtres des éléments et peuvent prendre une forme animale. Ainsi, les huit immortels du prince de Huainan ont le pouvoir de faire venir le vent et la pluie en s’asseyant, et s’élever les nuages et les brumes en se mettant debout.

Les immortels ont des pouvoirs similaires à ceux des oiseaux et des créatures aquatiques auxquels ils sont souvent comparés et associés.

Dans le premier chapitre du Zhuang Zi, le saint taoïste est un oiseau immense qui atteint le bout du monde d’un coup d’aile, mais aussi un poisson caché au fond de l’eau. Ils ont les os légers, un habit de plumes, se dissimulent souvent dans le ciel ou s’élèvent sur les hauteurs des montagnes. Quand l’humain devenu immortel a disparu, il arrive que ses sandales et son épée ou canne se transforment en oiseaux. Le Bao Pu Zi compare pour sa part l’immortel à une tortue tapie au fond de l’eau, ou à une carpe lumineuse qui nage dans la rivière de cinabre.

Concepts taoïstes 
À partir du IIIe siècle, les immortels devenus clairement taoïstes peuvent incarner l’indifférenciation de l’origine première.

Tantôt visibles et invisibles, ils apparaissent ici et là à la fois, mobiles mais sans forme ni corps. Généralement insaisissables en mouvement, ils ne s’arrêtent qu’aux places où les dualités se fondent, comme le gnomon au centre du monde.

Leurs constants mouvements de montée et de descente représentent ceux du souffle Qi qui s’élève et du Dao qui descend sous la forme des textes sacrés qu’ils remettent aux adeptes les plus méritants.

Lorsqu’ils se montrent sous forme humaine, leur identité est variable, leur origine inconnue. Sans individualité, ils peuvent pénétrer dans la forêt sans éveiller l’attention des animaux. On les imagine résidant aussi bien dans les hauteurs ou parmi les étoiles que dans les grottes des entrailles de la terre, qui d’ailleurs communiquent avec le ciel.

Terres d'immortalité

La forme du caractère Xian indique que les immortels des origines vivaient sur le sommet des montagnes ou sur des îles mythiques montagneuses. Les immortels de l’époque impériale fréquentent également les montagnes, en particulier le mythique mont Kun Lun, résidence de la Reine Mère de l’Occident (la Reine des Immortels), mais aussi dans les étoiles, le fond des eaux, les grottes qui communiquent avec le ciel, et les îles des mers orientales, ces dernières particulièrement populaires à l’époque des Royaumes combattants et au début de l’empire. Qin Shi Huang Di y envoya des expéditions à la recherche d’herbes d’immortalité. 

L’école taoïste la plus importante de nos jours, la branche Longmen de Quan Zen, désigne comme terres d’immortalité dix continents et trois îles , ainsi que dix grottes célestes. Parmi les trois îles, Peng Lai  蓬萊  et Fang Zhang 方丈 sont connues depuis le début de l’ère chrétienne. La troisième, autrefois nommée Ying Zhou, a pris le nom de Kun Lun, à l’origine ensemble montagneux situé à l’Ouest de la Chine. Résidence du Gouverneur de la terre, elle abriterait une source de vin qui prolonge la vie.

Sur Fang Zhang réside le Gouverneur des eaux qui régit les dieux et les animaux aquatiques parmi lesquels on compte les dragons et les serpents.

Peng Lai, la plus importante, résidence du Gouverneur du ciel, communique avec les neuf cieux supérieurs. Yu le Grand s’y serait rendu après ses exploits pour monter au ciel.

Devenir immortel

À l’origine, la poursuite de l’immortalité implique essentiellement un travail sur le corps comprenant un régime diététique particulier, une gymnastique et la consommation d’herbes ou d’élixirs, assorti à des exercices spirituels. Avec le développement du taoïsme institutionnel, à la pratique individuelle s’ajoute souvent l’exigence du respect de la communauté : conduite morale et bonnes actions.

 Les techniques corporelles, très variées dans les détails et souvent spécifiques à une école ou à un maître, peuvent être regroupées en quelques grandes catégories : diététique, alchimie externe par absorption d’élixirs ou pilules, alchimie interne par visualisation et gymnastique. Plusieurs techniques sont combinées. On peut accéder à l’état d’immortel en se débarrassant au moment de la mort de son corps comme un serpent de sa dépouille, mais les plus doués se métamorphosent et s’élèvent au ciel de leur vivant. La croyance populaire, imprégnée des valeurs communautaires, les imagine parfois s’envoler accompagnés de leur famille et de leurs animaux, d’où le dicton : « Quand une personne obtient le Dao, [même] ses poules et ses chiens montent au ciel » (l’ensemble du groupe bénéficie de la promotion d’un de ses membres).

Techniques externes
Selon un passage du Zhuang Zi, les immortels s’abstiennent des cinq graines9 (riz, millet, blé, avoine et haricots), se nourrissant de vent et de rosée. Les graines avec lesquelles s’alimentent les gens ordinaires sont censées contenir des vers qui pourrissent le corps de l’intérieur et, de surcroit, espionnent et dénoncent les péchés de l’individu qui les abrite aux divinités, diminuant encore ses chances de vivre longtemps.

La croyance à l’existence d’herbes de longue vie dans les terres d’immortalité est attestée dès les Royaumes combattants. Les fabrications alchimiques du Jin Dan devinrent de plus en plus populaires à partir des Han orientaux et connurent leur apogée sous les Tang avec l’« élixir d’or » ou « élixir de retour [à l'unité primordiale] ». Néanmoins, sous cette même dynastie l’alchimie externe, probablement plus dangereuse que bénéfique, fut progressivement abandonnée au profit de l’alchimie interne dominante à partir des Song.

Techniques internes
Le travail du souffle Lian Qi  est apparu aussi tôt que l’alchimie externe. On en trouve des traces dans l’œuvre de Qu Yuan, ou chez Zhuang Zi en ce qui concerne le daoyin, sorte de gymnastique douce.

Il comprend des exercices de respiration pour « rejeter le vieux et introduire le neuf », des gymnastiques douces ou des arts martiaux qui ont répandu la pratique du Qi Gong au-delà de la communauté taoïste, ainsi que des visualisations de l’intérieur du corps, comme celle où le pratiquant capture les essences du soleil et de la lune et voit ses yeux et son souffle devenir miroir, les nœuds des méridiens du souffle s’illuminer et éclairer ses organes.

Des rites effectués par un maître taoïste peuvent aider à avancer sur le chemin de l’immortalité. Les écoles qui ont pignon sur rue ne manquent pas de rappeler à leurs disciples que les techniques sont inefficaces sans une bonne conduite. Ce concept est particulièrement important en Chine où on considère que les dieux sont des mortels divinisés pour leur vertu.

Ils vécurent individuellement ou ensembles diverses aventures.


Ces 8 immortels ont assisté au "festin de pêches" pour l'anniversaire de la reine Xi Wang Mu.

Le pêcher, originaire de Chine, est l'un des premiers arbres à fleurir au printemps, il symbolise ainsi le renouveau. Les Chinois l’associent d'ailleurs à la fécondité et se servent d'ailleurs de fleurs de pêchers comme fleurs de mariage.

Cependant, à travers tous les symboles qu'on associe à la pêche, c'est l'immortalité qui ressort le plus.

Pour les daoistes, le pêcher pousse dans le jardin du palais de Xi Wang Mu, la Reine de l’Occident et se charge tous les 3 000 ans de pêches d’immortalité. Il s’apparente ainsi à l’arbre de vie et s’associe à tous les thèmes évocateurs d’immortalité ou de longévité comme on peut le voir dans le roman spirituel et alchimique de Xi You Ji "Notes de Voyage vers l'Ouest" où Sun Wu Kong le Roi Singe dévora les plus belles pêches permettant l'immortalité.

 La plus célèbre de leurs aventures est celle des « Huit Immortels traversant la mer ».

Les huit immortels traversant la mer

Les huit immortels traversent la mer (Ba Xian Guo Hai八仙過海)


Ouvrage anonyme sur les 8 immortels, voici un proverbe très connu:
"Quand les Huit Immortels traversent la mer, chacun manifeste ses capacités extra-sensorielles "八仙过海,各显神通"

Ce proverbe résume une aventure où les 8 immortels invités à un des pêches de l’immortalité, sur le mont 蓬莱 Peng Lai par le maître du lieu, ont pu déployé chacun d’eux se servant de ses pouvoirs pour traverser le vaste océan pour rejoindre le paradis de la Reine Mère de l’Occident et atteindre Peng Lai.

En effet, les 8 immortels décidèrent un jour d'aller admirer les merveilles de la mer, au cours de leur voyage et de milles aventures, ils affrontèrent le Roi-Dragon et lui infligèrent une célèbre et sévère défaite.


Se préparant à rentrer d’une visite sur l’île magique de Peng Lai ou chez Xi Wang Mu, les immortels décident sur l’initiative de Lü Dong Bin ou Tie Guai Li de se passer de bateau, chacun transformant son talisman en embarcation pour prouver ses dons de magie.

Ce mode peu orthodoxe de navigation déplait au roi-dragon de la mer orientale qui mobilise ses troupes. Sur le chemin de retour, Lan Cai He est capturé, les sept autres résistent et tuent le fils du roi-dragon. La bataille dégénère, le roi appelant à la rescousse ses homologues des mers occidentale, méridionale et septentrionale. Tandis que les dragons déchaînent les vagues, Cao Guo Jiu réussit à écarter les eaux grâce à sa plaquette de jade. Finalement, le bodhisattva Guan Yin (ou le bouddha Ru Lai selon les versions) intervient pour réconcilier les deux parties et faire libérer Lan Cai He.

 La version la plus ancienne connue est une saynète de la dynastie Yuan appelée Les Huit Immortels traversent la mer grâce à la plaquette de jade (Zheng Yu Ban Ba Xian Guo Hai 爭玉板八仙過海). Plus récemment, le thème a été adapté en film et en dessin animé.


Les 8 immortels

Depuis la poupe dans le sens des aiguilles d'une montre : He Xian Gu, Han Xiang Zi, Lan Cai He, Li Tie Guai, Lü Dong Bin, Zhong Li Quan, Cao Guo Jiu et (sur la mule) Zhang Guo Lao


1. He Xian Gu (何仙姑), seule femme du groupe qui n'apparaît qu'aux hommes de grande vertu, représentée comme une belle femme tenant à la main une fleur de lotus  magique ou parfois un chasse-mouches ou encore buvant du vin. . Elle est le symbole de la famille et du mariage.

He Xian Gu aurait vécu au temps de l'impératrice Wu des Tang et aurait été la fille d'un boutiquer au Hu Nan. Elle aurait eu à sa naissance que six cheveux sur le crâne et elle en aurait  jamais eut plus (malgré la plupart des représentations). Elle quitta assez jeune sa ville pour aller vivre dans les monts de Nacre où un esprit lui parla en rêve et lui donna le secret de l'immortalité.

Elle passa alors sa vie à errer dans les montagnes en rapportant le soir à sa mère qui l'avait suivie, les fruits qu'elle ramassait. Elle même se nourrissait de nacre et de rayons de lune. On raconte qu'elle se trouva un jour aux prises avec un démon qui faillit la tuer mais Lü Dong Bin la sauva de justesse grâce à son épée magique. Entendant parler d'elle, l'impératrice Wu lui ordonna de se rendre au palais mais He Xian Gu disparut au cours du voyage et ne serait réapparue qu'en 750 flottant sur des nuages colorés, près du temple de la magicienne taoïste Ma Gu.


2. Han Xiang Zi (韓湘子), neveu du fameux Han Yu, grand lettré et homme d'Etat de l'époque des Tang, qui se chargea de lui faire préparer les examens officiels ; le disciple surpassa rapidement le maître, tant par ses talents littéraires que par une variété de pouvoirs magiques, qui lui permettaient entre autre de faire pousser et fleurir plantes et fleurs en un instant. Il symbolise le Qi original grâce à sa maîtrise des cinq mouvements et du Yin/Yang.

Han Xiang Zi aurait été le disciple de Lü Dong Bin qui l'aurait emporté sur les branches du Pêcher surnaturel où il devint immortel. Par le suite il vagabonda à travers l'empire, jouant de la flûte et attirant les oiseaux et les fauves par la beauté de sa musique. Il ignorait la valeur de l'argent et jetait par terre ce qu'on lui offrait. Il est représenté comme un jeune garçon, bien habillé et jouant de la flûte.

Il devint par la suite le patron des musiciens.  


3. Lan Cai He (藍采和) est le / la baladin des huit immortels.,

Il / Elle est représenté soit comme un hermaphrodite, soit comme une femme en robe bleue, avec un pied sans chausse et tenant une baguette. On dit qu'il / elle était à l'origine Yan Su, de la dynastie Tang et qu'elle allait errant dans l'empire en chantant des chansons burlesques et vivant comme une mendiante   excentrique représenté(e) vêtu d'une robe bleue, chaussé d’une seule chaussure et portant un panier de fleurs. Il symbolise la joie et il attire les bonnes personnes.

Son haleine formait une vapeur brillante, semblable à une marmite d'eau bouillante. Un jour on la trouva ivre dans une taverne du An Hui et soudain elle disparut sur un nuage. On la revit par la suite chantant dans les rues de certaines villes des vers sur l'inconsistance de la vie et de ses plaisirs illusoires.

Comme son emblème est une corbeille de fleurs, elle devint par la suite la patronne des fleuristes.


4. Tie Guai Li (鉄拐李 "Li à la canne de fer"), appelé aussi Kong Mu, boiteux souvent ivre représenté avec une canne de fer et une calebasse contenant de l'alcool ou des potions magiques. Il symbolise l'argent et la santé.

Parmi les Immortels, il a la particularité d’avoir une origine obscure. 

C'est Xi Wang Mu, la Reine mère d'Occident, qui lui enseigna les secrets de l'immortalité (Xi Wang Mu commandait les armées de génies demeurant dans les monts Kun Lun. Elle vivait dans un palais d'or et de joyaux et servait lors de banquets des pêches surnaturelles qui offraient la vie éternelle à ceux qui les mangeaient.

On dit que Tie Guai Li utilisait sa magie pour se rendre par son esprit à la cour céleste afin de converser avec Lao Zi. Pour réaliser ce prodige, il quittait son corps, lui donnant l'apparence de la mort. Son disciple devait brûler son corps s’il ne revenait pas dans les sept prochains jours. Un jour, son disciple Lang-ling alors que son maître s'attardait dans la cour céleste, ne patienta que jusqu’au sixième jour. et se dit que Tie Guai Li était mort pour de bon et incinéra son corps. Quand Tie Guai Li revint de la cour céleste, il n'avait plus de corps. Comme un mendiant venait de mourir dans les environs, l'âme du maître se glissa dans a dépouille d'un mendiant et pris possession de ce corps pour retrouver une enveloppe charnelle. . Très vite il s'aperçu que ce nouveau corps était répugnant (jambe torve, cavités orbitales énormes, barbes et tignasses broussailleuses). Lao Zi lui fit don d'un bandeau d'or et d'une canne de fer pour compenser son nouvel handicap.

Il devint alors capable de nouveaux exploits, on dit qu'ainsi, Tie Guai Li ressuscita sa propre mère en lui faisant boire un de ses breuvages. Il devint par la suite le patron des apothicaires.



Une statue du musée Guimet (dynastie Qing, XIXe siècle) le représente appuyé sur un sceptre (ruyi). Les autres attributs traditionnels des Immortels sont la calebasse, le crapaud (symbole de longévité), et la chauve-souris (son nom fu est homophone du mot bonheur).

5. Lü Dong Bin (呂洞賓), alchimiste daoïste, représenté avec une épée comme un redresseur de torts. Il protège des personnes mal intentionnées.

serait né en 755, au Shan Xi, dans une famille de fonctionnaires officiels et lettrés ; à vingt ans, il partit en voyage à Lu Shan, au Jiang Xi, ou il rencontra le Dragon de Feu, qui lui remit une épée magique lui permettant de se cacher dans les airs à volonté ; il visita la capitale du temps, Chang'an, et rencontra Han Zhong Li, qui l'initia aux mystères de l'alchimie et de l'élixir de vie.

Il fut ensuite investi de pouvoirs surnaturels et d'armes magiques et pendant quatre cents ans il passa son temps à parcourir l'empire en tuant des dragons mauvais, et en débarrassant la terre de diverses calamités. Il devint ensuite le patron des barbiers et des malades et en 1115, l'empereur des Song du Nord, Hui Zong, lui conféra officiellement le titre de Héros à la sagesse merveilleuse.

Il est habituellement représenté avec sur le dos son emblème, le sabre pourfendeur de démons, ainsi qu'un chasse-mouches, symbole taoïste indiquant que l'on peut marcher sur les nuages et se déplacer dans les airs. Comme il avait été un grand lettré, il devint aussi plus tard patron des fabricants d'encre.

6. Zhong Li Quan (鐘離権) ou Han Zhong Li (漢鐘離), général de la dynastie Han ;

Le maître des 8 immortels, censé avoir vécu sous les Zhou (1122-249 av JC) : né au Shan Xi, il devint maréchal d'empire et devenu vieux, alla vivre en reclus dans les monts Zhong Nan, où il rencontra les Cinq Héros qui l'instruisent dans la doctrine de l'immortalité. Il prit plus tard le titre de « Seul Indépendant sous le Ciel ». Par la suite et pendant de longues années, il s'occupa de transmuter, à l'aide d'une drogue, le cuivre et l'argent, qu'il distribuait aux pauvres.

Un jour, alors qu'il méditait, le mur de sa maison s'effondra et laissa tomber une boîte de jade contenant des informations secrètes sur la façon de devenir immortel ; il s'y conforma jusqu'au jour ou sa chambre s'emplit de nuées multicolores et de musique ; alors une grue céleste (oiseau de l'immortalité) l'emporta vers le pays de la vie éternelle.

Zhong Li Quan est un personnage bien en chair, la panse dévêtue, tenant une pêche (fruit d'immortalité) ainsi qu'un éventail qui lui sert à ranimer les morts

Il apaise la colère de Tai Sui. (grand duc Jupiter en astrologie ?)


7. Cao Guo Jiu (曹国舅), oncle d’un empereur Song, le frère de l'impératrice Cao, représenté en robe de cour et tenant à la main une plaquette de jade, insigne de sa noblesse, ou une paire de castagnettes ; il est le protecteur des acteurs. Il représente le symbole de la réussite dans le domaine des études.

Cao Guo Jiu serait le fils de Cao Bin (930-999), il était également le frère de l'impératrice Cao de la dynastie des Song. On dit que l'impératrice Cao avait deux frères cadets, le plus âgé qui ne s'occupait pas des affaires de l'Etat et Cao Guo Jiu, qui tait tristement célèbre pour son inconduite.

Un jour Cao Guo Jiu fut accusé de meurtre, plein de honte, il partit se terrer dans les montagnes et couvrit sa tête et son corps de plantes sauvages ; et décida de vivre en reclus. Un jour, alors qu'il vivait dans ses montagnes, les immortels Han Zhong Li et Lü Dong Bin le rencontrèrent et lui demandèrent ce qu'il faisait là : «Je cherche la Voie » dit-il... « Quelle Voie ? et où est-elle ? » répondirent les immortels... Et Cao Guo Jiu leur montra son coeur. Les immortels satisfaits répondirent alors « Le coeur est le ciel et le ciel est la Voie : vous comprenez l'origine des choses ! ». Ils lui remirent alors une recette lui permettant de devenir immortel.   


8. Zhang Guo Lao (張果老), maître daoïste, souvent représenté sur une mule blanche,  avec une très longue barbe et un Yu Gu (instrument de musique à percussion) ; il est le patron des peintres et calligraphes.  Il aide ceux qui essaient d'avoir un enfant.

Il est censé avoir vécu au VIIème siècle, est lui l'archétype du vieil homme. D'abord ermite dans les montagnes du Shan Xi, il déclina les invitations des empereurs Tai Zong (626-649) et Gao Zong (649-683) et refusa obstinément de se rendre à la Cour. Finalement, sur ordre de la redoutable impératrice Wu Ze Tian (684-690), il dut abandonner sa retraite...mais mourut subitement (ou fit semblant) à la porte du temple de la Femme-Jalouse. 


 Hiérarchie des immortels
Anciens humains ou parfois formés par concrétion du Qi, les immortels et dieux taoïstes ne constituent pas un panthéon fermé, mais un ensemble en constante expansion. Chaque école peut avoir une liste et une classification différente. Celle de l’école Shang Qing  composée par Tao Hong Jing, Hiérarchie des esprits parfaits   est assez bien connue.

Pour l’école Quan Zhen moderne, le grade le plus élevé est celui d’immortel d’or   qui réside dans le ciel supérieur de Da Luo  avec le Pur des origines, premier des Trois Purs, déités suprêmes.

Lü Dong Bin et Zhong Li Quan sont souvent considérés comme chefs du groupe, ils sont aussi très importants dans l'école daoïste Quan Zhen qui les considèrent comme leurs patriarches avec des écrits sur l'alchimie interne daoïste leurs sont attribués.

Un autre personnage d’ermite daoïste, Liu Hai (劉海) ou Liu Hai Chan (劉海蟾), remplace parfois Zhang Guo Lao dans le Jiangxi et Lan Cai He à Taïwan.

Les 8 immortels et le Yi Jing

Il y a un rapport avec la numérologie chinoise du Yi Jing.

Les 8 immortels représentants les 8 trigrammes du Yi Jing, les 8 directions exprimant ainsi la plénitude et l’ensemble harmonieux.

On retrouve aussi cette idée de plénitude dans le fait que ce sont 8 personnages issus de toute la société : femme, vieillard, grand noble, militaire, infirme, redresseur de tort, mendiant, lettré.

Correspondance entre les 8 immortels et les 8 trigrammes, les 5 mouvements :

  • Lü Dong Bin représente le trigramme Qian, le ciel ( métal)

  • Tie Guai Li représente le trigramme Dui, le marais ( métal)

  • He Xian Gu représente le trigramme Kun, la terre

  • Cao Guo Jiu représente le trigramme Gen, la montagne (terre)

  • Zhang Guo Lao représente le trigramme Zhen, le tonnerre (bois)

  • Lan Cai He représente le trigramme Xun, le vent ( bois)

  • Han Xiang Zi représente le trigramme Kan, l'eau

  • Zhong Li Quan représente le trigramme Li, le feu

Il y a lois d’engendrement et de contrôle des 5 mouvements, et des relations entre les 8 trigrammes qui permettent de décoder les relations entre les 8 immortels.

Les 8 immortels, leurs particularités et leurs histoires indiquent aussi par messages codés des techniques d’alchimie interne daoïste…

Dans l'art du Feng Shui, les 8 immortels apportent dans la maison argent, santé, bonheur, prospérité, etc.

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