Présentation
Les 8 immortels (chinois : 八仙人, pinyin
: Ba Xian Ren), désignent les 8
divinités du Daoisme religieux et de la religion populaire chinoise. En réalité, les immortels chinois (xian) ne sont pas des dieux. Ce sont des êtres humains qui ont trouvés la voie de l’immortalité et qui n’exercent pas de fonction particulière et qui apparaissent sur terre au gré de leur caprice.
Ce sont 8 personnages issus
de différentes couches de la société qui luttent contre le mal et qui grâce à
la pratique du Dao ont acquis différents pouvoirs dont celui de l’immortalité.
La croyance aux immortels précède la naissance du taoïsme du moins dans sa version déiste, dont ils sont devenus un élément essentiel à partir des Han orientaux. Auparavant, ils avaient été au centre du courant Fangxiandao, « Voie des magiciens et des immortels », apparu à l'époque des Royaumes combattants dans les pays de Qi et de Yan jouxtant la mer de Bohai.
C’est le taoïsme qui a vraiment développé cette notion d’immortalité, la capacité de prolonger la vie par delà la mort sous la forme de pur esprit. De nombreux rites et exercices physiques, intellectuels, sexuels et spirituels devaient y conduire. On y parvenait pleinement par l’union avec le Tao. Les immortels sont donc des êtres humains qui ont su se fondre avec le Dao, incarnant l’idéal taoïste le plus haut.
Avant la dynastie des Ming, il y avait plusieurs
versions pour les noms des 8 immortels. Il y a les 8 immortels de la dynastie
des Han, les 8 immortels de la dynastie
des Tang, les 8 immortels des dynasties Song et Yuan.
Evoqué dans les œuvres de Lao Zi, Zhuang Zi
et de nombreuses descriptions romanesques du paradis des immortels que l’on rejoint en fermant les yeux à partir des Royaumes combattants, l’immortel, Xian Ren (仙人) ou Xian (仙), est en Chine un être fantastique aux pouvoirs surnaturels et
aux dimensions cosmologiques, dont l’état transcende l’opposition entre vie et
mort. Il résulte en effet dans l’idéal d’une transformation qui se produit chez
l’aspirant immortel de son vivant grâce à une hygiène de vie et une ascèse
spécifiques, aidées par l’absorption d’herbes ou de potions de longue vie que
l’on trouve dans des lieux magiques appelés grottes célestes et terres de
bonheur , résidences principales de ces êtres fantastiques.
Les immortels appartiennent à l’ensemble des divinités de la religion chinoise, appelées collectivement Shen Xian « dieux et immortels ».
Analyse du caractère 仙, xiān
Le sinogramme 仙 qui représente les immortels est composé
de la clé personne (亻, équivalent de 人, Rén), le classant dans les
caractères ayant trait aux humains ou personnages et du radical pictographique de la montagne (山, Shān). Cette graphie semble avoir été
tout d’abord utilisée en concurrence avec 僊 Xiān, qui comporte à la place de la montagne l’élément (Xiān) du caractère Qīan (遷) signifiant déménager ou
emménager.
Les dictionnaires de la dynastie Han Shuo Wen Jie Zi (~121), qui contient
僊, et Shi Ming (~200), qui contient 仙, donnent tous
deux les définitions suivantes : «vivre longtemps sans mourir ; s’en aller» ;
le Shi Ming précise : «s’en aller
dans les montagnes». Les premières terres d’immortalité étaient des îles
montagneuses mythiques situées dans la mer Jaune.
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Immortels chevauchant des dragons |
Le caractère 僊 xian (ni sa variante 仙) n'apparait pas dans le Dao de jing. Les principales sources historiques
- de l'immortel taoïste
Dans le Zhuang Zi, l'adepte poursuivant l'idéal de vie « taoïste », loin du monde, est désigné par les termes de « homme suprême » 至人 zhiren, « homme parfait » 真人 zhenren, « homme divin » 神人 shenren, « saint homme » 聖人 shengren et une fois d'« immortel » 僊 xian(ren).
« sur les lointains monts Gushe habitent des génies [shenren 神人 homme divin]. Leur peau est pareille à la neige brillante. Ils sont délicats comme des vierges. Ils ne mangent aucune des cinq céréales, mais ils hument le vent et boivent la rosée. Ils montent sur les nuées et chevauchent les dragons volants pour aller au-delà des quatre mers. La simple concentration de leur esprits (shen 神) guérit les maladies des êtres et procure la maturité des récoltes » (Tchouang-tseu, chap. 1, p.90).
Les purifications physiques et spirituelles visaient à allonger la vie, à alléger le corps pour s'évader du monde:
« Le saint [shengren 聖人] se loge comme la caille; il se nourrit comme le poussin; il va sans laisser de trace comme l'oiseau...Au bout de mille ans, fatigué de ce monde, il le quitte, monte vers le ciel [parmi les immortels], chevauche les nuages blancs et arrive au pays de Dieu [di xiang 帝鄉]. Aucun des trois malheurs ne peut l'atteindre. Son corps ne peut subir aucune atteinte. Quelles injures peut-il essuyer? » (Tchouang-zi, chap 12, p.167)
Dans tout le Zhuangzi, la seule occurrence nominale de xian 仙 se trouve dans cette citation. Les termes les plus fréquents sont zhenren 真人 (18 occurrences) suivi par zhiren 至人 et shengren 聖人 ; remarquons que le terme de daoshi 道士 « taoïste, prête taoïste » n'est pas encore utilisé.
D'une manière assez unique dans l'histoire des religions, l'idéal taoïste a associé la libération spirituelle et l'immortalité physique. Toutefois de nombreux passages du Dao de jing et du Zhuangzi indiquaient aussi que le but de la vie était une recherche spirituelle jusqu'à ce que la mort survienne.
Sous les Han antérieurs (-206, -9), la croyance aux drogues d'immortalité et aux paradis d'Immortalité prit une importance accrue. Sima Qian mentionne dans ses Mémoires historiques, que des « maîtres en techniques » (fangshi), proposaient à l'empereur de fabriquer des plats et gobelets en or alchimique (fait à partir de cinabre), pour accroître la longévité.
Sous les Han postérieurs (+9, +220), les activités des fangshi s'élargissent à la divination, l'astrologie, la guérison, la physiognomonie. Certaines de ces techniques furent adoptées par les adeptes des mouvements taoïstes religieux comme ceux de l'École des cinq boisseaux de riz (Wǔdoǔmǐ daò 五斗米道).
En +142, Wei Boyang 魏伯阳 écrit le premier ouvrage sur la théorie alchimique, le Zhouyi Cantongqi (周易參同契) dans lequel il introduit une loi de la sympathie.
« Les transformations 变化 dépendent de la vraie nature des substances. Leur début et leur fin ont une cause commune. La manière de devenir immortel en prenant (des médicaments) réside en l’usage de substances de catégorie similaire. » (Cantongqi, chap.12)
La Biographie des Immortels (Liexian zhuan 列仙傳) est un petit recueil de légendes concernant 70 taoïstes ayant obtenu l'immortalité. Traditionnellement attribuée à Liu Xiang, son contenu amène à penser qu'il fut compilé sous les Han postérieurs. Voici celle de Pengzu:
« Pengzu...vécut sous la dynastie Xia jusqu'à la fin des Yin, plus de 800 ans. Il mangeait régulièrement de la cannelle et des agarics; il excellait dans la gymnastique et dans l'art de conduire le souffle...On dit que, par la suite, il disparut en s'élevant vers le Ciel » (Le Liexian zhuan, traduction de Kaltenmark p.82-83)
Au début du IVe siècle, Ge Hong rédige un ouvrage important sur les immortels, le Baopu Zi, 抱朴子, dans lequel il réalise la synthèse de deux traditions:
1. le yangsheng 养生 « nourrir le principe vital» (pratiques gymniques, techniques diététiques, respiratoires, sexuelles etc.)
2. les techniques alchimiques des fangshi 方士.
« Ceux qui autrefois devenaient Immortels voyaient parfois des ailes pousser sur leur corps. Ils se métamorphosaient et s’envolaient, abandonnant ce qu’ils avaient d’humains et prenant une nouvelle forme » (Baopuzi, chap.3, traduction de Che).
- des 8 immortels
Le thème pictural iconographique
(Ba Xian Tu) date au plus tard des
Tang. Ils apparaissent aussi dans le théâtre Yuan. Le thème du groupe de huit est connu depuis les huit
immortels de Huainan, conseillers de Liu
An. Il existe d’autres groupes moins connus comme les huit immortels de Shu. (暗八仙).
C’est à la dynastie des Ming, que Wu Yuan Tai a dans son roman ¨Ba Xian Chu Dong You Ji¨ (Dong You Ji
Notes de Voyage vers l’Orient) fixé les noms et l'identité exacte des 8
immortels.
On retrouve aussi les noms
de ces 8 immortels dans l’ouvrage anonyme Ba
Xian Guo Hai Les Huit Immortels traversent la mer.
Aujourd'hui encore, ils sont souvent représentés
dans l’iconographie populaire et religieuse, en personne ou sous la forme des
talismans grâce auxquels ils luttent contre le mal, appelés les Huit joyaux (八寶) ou les Huit immortels cachés. Leurs effigies ornent de nombreux objets : peintures, tentures, porcelaines, broderies….
Les 8 immortels sont les
symboles de la longévité, de chance, d'éternité, de sagesse et de prospérité.
Aujourd'hui encore, leurs effigies ornent de nombreux objets : peintures,
tentures, porcelaines, broderies….
Représentation
Généralement invisibles sous leur forme réelle aux humains ordinaires, ils sont décrits par Ge Hong ( 283 - 343 après JC) dans le Bao Pu Zi (Maître qui embrasse la simplicité) au IVème siècle avec des pupilles carrées, des lobes immenses, parfois une tête de serpent, un habit de plumes, montés sur des grues ou des dragons pour que se constitue une typologie. Ils possèdent les dons de métamorphose et d’ubiquité, apparaissent ou disparaissent à volonté dans un éclat de lumière. Ils peuvent éclairer une pièce obscure.
Ge Hong distingue ainsi trois types d’immortels : les « célestes » agents de la Suprême Souveraineté ; les « terrestres » qui circulent librement entre les mondes et n’ont cure de servir ; les immortels enfin « qui se sont délivrés de leur cadavre » et dont on ne retrouve, en fossoyant leur tombe, que sandales et canne.
Selon lui, l’existence des immortels n’est douteuse qu’à l’homme empêtré dans la perception étroite de ses sens et qui ignore les prodigieuses métamorphoses de la nature. Cette figure prend vraiment consistance à une époque où la Chine est politiquement désunie : face à l’éthique sociale, discrète et limitée du sage confucéen, émerge un nouveau projet fondé sur le retrait de la vie publique, la reconnaissance de l’échec des arts de gouverner au profit d’une construction de soi où l’expérience et l’essai tiennent lieu de vie.
Conformément à la quête
taoïste, ils ont percé les secrets de la nature et atteint la vie éternelle.
Tous sont morts et se sont transformés. Les hagiographies relatent à l’envi leurs métamorphoses ou leur disparition, signes tangibles qu’ils ont rejoint la source vive du réel.
Leurs pouvoirs sont nombreux : ils sont endurants, rapides, restent jeunes, contrôlent hommes et bêtes, sont guérisseurs, exorcistes, devins. Certains ont le don d’ubiquité, peuvent devenir invisible ou même voler. Mais ce sont surtout des maîtres en métamorphoses. Il donnent à lire enfin dans leur rencontre l’instabilité foncière des choses et personnalisent la transformation de soi et celle corrélative du monde.
Ces immortels affectionnaient les endroits montagneux et isolés. Chacun d'eux
représente une condition différente : le militaire, le vieux, le riche, le haut
fonctionnaire…
C'est aussi un symbole de renouvellement et de fécondité, un emblème du
mariage. Un décor de fleurs de pêcher évoque l'harmonie dans le mariage et le
second mois de l'année. Selon la légende les pêches apportent le bonheur aux
nouveaux mariés parce que la période la plus propice aux mariages heureux est à
la première lune du nouvel an chinois, en février, époque où fleurissent les
pêchers.
Les 8 immortels ont également inspiré un art martial
imitant les mouvements d’un homme ivre qui joue avec le centre de gravité et
une instabilité apparente avec des chutes, il s’agit en fait de d’une ruse pour
déstabiliser l’adversaire. Cette Boxe de l’homme ivre Zui Quan aurait été
inspire par un poème écrit sous la dynastie Tang, intitulé « Les huit
immortels dans le vin » et décrivant les immortels s'enivrant.